L'Invention de Morel
Quatrième de couverture
Dans une pénétrante introduction à ce roman, Jorge Luis Borges, un des plus grands écrivains et un des critiques les plus fins d'aujourd'hui, a souligné l'exceptionnel intérêt d'un ouvrage d'imagination pure, qui rompt délibérément avec une tradition que le roman psychologique paraissait avoir établie d'une manière inébranlable. Pour nous, cet intérêt se double d'un autre : nous avons le sentiment, en lisant Bioy Casares, d'avoir affaire à un écrivain sud-américain de très haute classe internationale. On a parlé, à propos de ce livre, de racines communes avec Edgar Poe, Robert-Louis Stevenson, Chesterton et même Jules Verne. Les fidèles de la collection « Pavillons », qui ont particulièrement goûté le Désert des Tartares, pourront penser aussi à Dino Buzzati et, au delà de lui, à Kafka. Peu importe. L'essentiel est l'originalité propre à l'auteur. Et elle est incontestable. Cette invention de Morel, quelle est-elle ? Laissons au lecteur le plaisir de la découverte. Comme dans tous les récits de ce genre, ce qui compte, ici, c'est la puissance d'hallucination, le pouvoir d'obsession qui permet à l'auteur de s'assimiler le mythe qu'il a créé, au point d'y croire comme à une réalité véritable et, du même coup, d'en persuader son lecteur. Celui-ci, s'il veut être plus attentif, ne manquera pas de distinguer, tissé dans le récit fantastique, un autre thème d'une portée humaine et psychologique plus élevée : celui de l'idéalisation de la femme aimée. Peut-être n'aimons-nous jamais qu'une créature de notre esprit, et toute femme passionnément désirée n'a-t-elle pas plus de réalité concrète que Faustine.