Haïti noir
Prix éditeur : 21,00 €
Collection : Asphalte Noir
Éditeur : ASPHALTE
EAN : 9782918767237
Parution : 11 octobre 2012
Pagination : 304 p.
Façonnage : relié
Poids : 381 g.
Coup de cœur
Tenter d'arracher de l'espoir et du rire intérieur à la misère, à la corruption et aux illusions...
Publié en 2011 en anglais et en 2012 en français, ce nouveau recueil fruit de la collaboration entre les New-Yorkais d'Akashic Books et les Françaises d'Asphalte est un nouveau cru très réussi dans ce concept présentant à chaque fois une vingtaine de nouvelles bien noires sur une ville (ou un pays, lorsqu'il est relativement "petit" comme c'est le cas d'Haïti).
Parmi les 18 nouvelles ainsi sélectionnées par Edwige Danticat, cinq ont largement retenu mon attention et sept m'ont franchement enthousiasmé.
On goûtera ainsi les risques des mauvaises fréquentations adolescentes dans l'enlevée Au bout de l'arc-en-ciel (M.J. Fievre), le combat quotidien pour la survie quand sont alliées pauvreté, petits boulots improbables et trafic de drogue dans l'enjouée mais rude Vingt dollars (Madison Smartt Bell - considéré ici à raison comme une sorte de "Haïtien d'adoption", depuis son monumental triptyque romanesque sur l'indépendance du pays et sa biographie romancée de Toussaint Louverture), la violente présence des très riches au sein de la misère environnante, et certaines de ses conséquences, avec la tragique Rosanna (Josaphat Robert-Large), le rôle social et psychologique du vaudou comme refuge face à l'injustice et au crime du plus fort, dans l'étonnante Maloulou (Marie Lily Cerat), ou enfin la lumineuse et tragi-comique incursion dans les trafics en tous genres pouvant prendre place entre l'île et la Floride, avec Le Léopard de Ti Morne (Mark Kurlansky - autre Haïtien d'adoption, en tant que journaliste américain spécialiste du pays).
Sept nouvelles se haussent donc avec bonheur au-dessus du lot : la gestion très particulière et néanmoins ritualisée de la disgrâce des policiers trop curieux, dans L'auberge du Paradis (Kettly Mars), le fantastique déroulé à rebours, accéléré et magique, du destin cruel d'une petite fille de pêcheur, dans Claire Lumière de la mer (Edwige Danticat), la magnifique tentative d'un policier pour mener une enquête criminelle sans céder aux conseils gentiment corrupteurs, dans l'ironique Carrefours dangereux (Louis-Philippe Dalembert), une bien étrange exploration de la folie dans Blues pour Irène (Marvin Victor), une formidable fable du déracinement et de la vengeance glacée dans L'ultime département (Katia D. Ulysse), une manière plus contemporaine de traiter de ce déchirement entre culture traditionnelle, locale, et modernité américanisée, avec la quête personnelle de Hall de départ (Nadine Pinede), et enfin, la sublime marche triomphale et cruelle pour réparer l'injustice subie, avec l'énorme La Merci au portail (Marie Ketsia Theodore-Pharel).
Un recueil qui fouille Haïti au cœur, qui retourne sans hésitations ses terres les plus noires, qui y saisit les drames intimes, les espoirs fugaces ou les espaces libres arrachés avec tant de peine à la misère, à la corruption, aux illusions, anciennes ou modernes, en laissant toujours un discret espace au rire intérieur, même désespéré. Une lecture à recommander sans aucun doute.
Deux semaines plus tard, la police avait découvert que ma fille s'appelait elle-même Irène Gouin, qu'elle était un peu barjot, mais très belle, pourtant, m'avait soufflé un agent sur un ton de regret. C'est à dater de ce jour-là qu'était arrivé l'inspecteur Joseph, avec ses questions, sachant que j'avais eu une liaison avec Jimmy, et que Jimmy n'était pas seulement mon mort, mais celui de tous les habitants du Bel-Air qui l'avaient aimé et haï. C'était un mort public, lui avais-je dit de prime abord, sifflant entre mes dents. Un mort dont sans cesse les gens parlaient, cherchant en lui avec force proverbes et métaphores la part de l'ange et du démon, annulant notre histoire et celle, ancienne, poussiéreuse, de toutes les autres femmes aussi, sachant que de lui il ne me restait qu'un vague souvenir de draps en fouillis moites de sueur et d'haleine de vieilles paroles chuchotées. Ainsi toute histoire est faite, avais-je conclu, me disant en pensée que Jimmy avait peut-être eu une belle mort, sur le point de jouir, agrippé à la croupe de la meurtrière, beuglant. (in "Blues pour Irène")
Coup de cœur
Ces quelques mots pour vous rappeler que notre sélection de beaux livres, pour vous ou pour offrir, arrive en ce moment chez Charybde, et que nous vous les présenterons le dimanche 16 décembre à partir de 11 h 00, avec café, thé, rafraîchissements et grignoteries jusqu’à 18 h 30 exceptionnellement.
Nous avons aussi sélectionné un certain nombre de livres, parmi ceux qui vous ont beaucoup plu cette année, que nous jugeons « idéaux pour offrir » :
Ihsan Oktay ANAR, Atlas des continents brumeux (par Charybde 1)
Tatiana ARFEL, L’attente du soir (par Charybde 1)
Patrick CHAMOISEAU, L’empreinte à Crusoé (par Charybde 2)
COLLECTIF, Haïti noir (par Charybde 3)
COLLECTIF, Last and lost – Atlas d’une Europe fantôme (par Charybde 4)
Patrick DEWITT, Les frères Sisters (par Charybde 1)
Jérôme FERRARI, Le sermon sur la chute de Rome (par Charybde 3)
Mathieu LARNAUDIE, Acharnement (par Charybde 2)
Elsa OSORIO, La Capitana (par Charybde 3)
Laurent RIVELAYGUE, Le Von Mopp Illustré : « Un dictionnaire aussi instructif que bête et méchant » (Charybde 4)
Goliarda SAPIENZA, Moi, Jean Gabin (par Charybde 1)
Jeff VANDERMEER, La cité des saints et des fous : « Une ville cruelle racontée par une plume inventive. Un grand livre de fantasy moderne. (Charybde 4)
WU MING, Manituana (par Charybde 2)
Enfin, nous en profitons pour vous signaler que nous serons OUVERTS les dimanches 23 et 30 décembre aux horaires habituels du dimanche (11 h 00 – 17 h 00), OUVERTS exceptionnellement le lundi 24 décembre de 12 h 00 à 18 h 00, et FERMÉS exceptionnellement le mercredi 26 décembre.
Bonnes fêtes à toutes et à tous !
Coup de cœur
Quatrième de couverture
Tragiquement connue pour son histoire violente et chaotique, ainsi que pour la catastrophe qui l’a frappé en 2010, Haïti est le pays le plus pauvre des Amériques – et l’un des plus riches sur le plan littéraire. Cette anthologie de dix-huit nouvelles, projet lancé avant le tremblement de terre, réaffirme le talent des auteurs contemporains haïtiens, qu’ils vivent sur place ou qu’ils soient issus de la diaspora, sur un terrain où ils ne sont pas forcément attendus : le genre noir. Sont représentés des auteurs aussi bien francophones qu’anglophones.