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Corps à l'écart

de Elisabetta BUCCIARELLI

Corps à l'écart

Prix éditeur : 21,00 €

Collection : Fictions

Éditeur : ASPHALTE

EAN : 9782918767343

Parution : 9 janvier 2014

Pagination : 214 p.

Façonnage : broché

Poids : 278 g.

Neuf 21,00 €

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Coup de cœur

Très belle fable de la décharge publique comme creuset mythique contemporain.

Publié en 2011, traduit en français en janvier 2014 par Sarah Guilmault chez Asphalte, le sixième roman de la Milanaise Elisabetta Bucciarelli réussit l’un de ces rares miracles d’équilibre entre deux pôles thématiques, grâce à une écriture inventée en profondeur pour l’occasion.

Dans un coin de Lombardie, sans doute dans le triangle industriel Bergamo-Brescia-Piacenza, gît à ciel ouvert une gigantesque décharge, rassemblant en un seul lieu intense, nouvelle terra incognita potentielle d’une société en crise de nerfs permanente, trois réalités contemporaines cherchant toujours et encore l’enfouissement. La décharge y est d’abord le lieu de l’écume épaisse de la consommation tous azimuts et de l’obsolescence programmée. Elle y incarne ensuite le si profitable business de la déchetterie, sous sa forme légale déjà fort rémunératrice comme sous sa forme illégale de l’élimination à bon compte de déchets qui demanderaient « normalement » un onéreux traitement spécifique (et l’on songe au portrait implacable de l’investissement consenti par le grand banditisme dans le domaine, si bien rendu par Roberto Saviano et son étonnant narrateur de « Gomorra » en 2006). Elle y est enfin le refuge de la communauté désemparée et hasardeuse de quelques laissés pour compte, d’origines bien diverses, qui s’y inventent une vie précaire et néanmoins libre, faite de récupération, de bricolage et de revente – les spectres atroces de la vie sans issue du « Rafael, derniers jours » de Gregory McDonald (1991) ne sont pas loin, heureusement ajustés et tempérés par une solidarité quotidienne qui évoque aussi les bidonvilles d’Eric Miles Williamson, et particulièrement de son « Bienvenue à Oakland » (2009).

Sur cette scène qui a tout pour s’affirmer définitivement sinistre et blafarde, mais que pourtant illuminent les ferveurs d’un gamin en rupture de ban, d’un fuyard irakien ou d’un inventif réparateur africain, un incendie criminel servira de révélateur ponctuel à la noirceur qui rôde partout, traquée en l’espèce par un jeune pompier subtil, bienveillant et pudique. Une histoire simple, en 200 pages et 90 brefs fragments jetés à la face de ces « cités mortes » et « paradis infernaux » dépeints et analysés par Mike Davis, mais une histoire transfigurée et rendue puissante par l’invention d’un langage rare, celui de ces humbles jetés ou réfugiés là, à la parole souvent économe et sibylline, à la capacité hors du commun, justement, à « serrer les dents » sur la peine, la douleur et le malheur, à exprimer leur vie en de curieuses paraboles agrégeant légendes urbaines, bribes poétiques spontanées et création de leurs propres mythes quotidiennement salvateurs.

Une magnifique fable, terriblement contemporaine, qui extrait de la bienveillance, de la solidarité et de la poésie du plus improbable et mortifère des matériaux glacés de la modernité.

« À présent, il s’arrête. Tu vois que c’est un chien, un mâle, facile à désosser : il suffirait d’un couteau qui coupe bien, ceux pour la viande. Un chien côtelette, oreille, cou. Un chien queue effilée, droite. Il arrache quelque chose du sol, il tire dessus comme si c’était un bout de tissu, un chiffon, un jeu. Tu observes plus attentivement, il continue de tirer sur l’objet, de le lacérer avec ses dents blanches. Il déchiquette, se démène, éclaboussures jaunes et museau gras. Tu le vois chien, mais tu le sens homme. Pas tant dans l’apparence que dans ses prédispositions. Cette façon qu’il a de chercher sans arrêt. Seul et silencieux. Tu t’approches doucement, de sorte qu’il ne t’entende pas. Il s’arrête et, sans même avoir bougé les yeux, il t’a déjà perçu. Il a senti ton odeur parmi les odeurs. C’est dans sa nature, qui ne plie pas, ne succombe pas face aux décombres, aux ruines, aux gravats, aux déchets, aux restes et aux rebuts qui t’entourent. La faim est encore là. Ça n’a servi à rien, ce bout de repas arraché à la terre, à ce tas indistinct, pas même à remplir un peu ce ventre besace, ni à réveiller son odorat. Son instinct lui ordonne de chercher encore de la nourriture. Pas d’aller se mettre à l’abri ni de trouver un partenaire sexuel. »

 

Quatrième de couverture

Dans une gigantesque décharge, en Italie, un groupe d’adultes et d’adolescents survivent en triant des déchets qu’ils recyclent, réparent et vendent. Il y a Iac, en rupture avec sa famille, Lira Funesta qui parle trop, Saddam le Turc qui lance l’appel à la prière du sommet d’un monticule de déchets, et Argos, le géant zimbabwéen. Il y a aussi le Vieux, toujours endormi sous sa couverture. Autour d’eux gravitent Silvia, fille d’un grand chirurgien esthétique, et Lorenzo, le pompier qui veut le bien de tous. La survie de la petite communauté va être mise en péril par la découverte de déchets toxiques, qui n’auraient jamais dû se trouver là… Véritable microcosme, la décharge, lieu de vie, de transit et de trafics, est un personnage à part entière de Corps à l’écart.

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