De la science-fiction soviétique - Par delà le dogme, un univers
Quatrième de couverture
Le pays qui se trouvait, après la révolution d'Octobre, au seuil d'une ère nouvelle, devait donner le jour à une littérature dans laquelle la réflexion sur l'avenir occupait une place essentielle : l'utopie, l'anti-utopie, la science-fiction accompagnent la littérature soviétique depuis sa naissance. Les écrivains les plus grands y contribuèrent : Zamiatine, Boulgakov, Platonov, Maiakovski, Khlebnikov, Zabolotski et bien d'autres encore. L'âge d'or eut une fin rapide. Durant les années trente à cinquante, la littérature, qui puisait dans la riche tradition du fantastique russe, fut expulsée hors de l'univers soumis au grand Dogme. Seule pouvait survivre une sorte de simulacre de science-fiction : limitée dans ses moyens jusqu'à perdre toute indépendance, elle fournissait seulement tantôt un mobile à l'action d'un roman d'espionnage, tantôt l'objectif de travail stakhanoviste pour un roman de production, tantôt un prétexte à la vulgarisation scientifique pour enfants. Elle fut insérée en tant qu'élément mineur dans la structure du réalisme socialiste. La situation change brusquement après 1956, le XXe Congrès du Parti Communiste annonçant le « Dégel ». Les écrivains commencent à réclamer.le droit à la liberté de l'imagination. Dans les années soixante, la science-fiction connaît un essor prodigieux, on y retrouve des thèmes d'une diversité et d'une audace exceptionnelles, des idées à profusion et les formes les plus inattendues. Echappant à la vigilance de la censure, un courant se forme sous la griffe « SF », qui joue le rôle d'un laboratoire de la pensée et de la recherche artistique libres. Ainsi, la science-fiction constitue-t-elle un phénomène à part dans la littérature soviétique, en faisant pénétrer dans le monde de l'édition un air de liberté. Leonid Heller, qui vécut en Union Soviétique et en Pologne avant de s'installer en France, et qui enseigne actuellement l'histoire de la langue et de la littérature russes à l'Université de Lausanne, commence par définir dans son ouvrage les lignes maîtresses du développement de la science-fiction depuis ses débuts, et analyse ensuite en détail la production contemporaine (1956-1977). Pour ce faire, il choisit une démarche originale : pour la première fois, la science-fiction est étudiée non pas comme un monde clos et isolé, mais dans ses rapports avec la littérature en général. L'auteur décrit ici les mécanismes qui régissent la vie de la littérature soviétique (mécanismes du réalisme socialiste, tant idéologiques que formels), détermine leurs fonctions au sein de la science-fiction et montre comment, dans quelques-unes de ses créations, elle dépasse tous les dogmes pour créer son propre univers.