Plonger les mains dans l'acide
Prix éditeur : 16,30 €
Collection : INCULTE
Éditeur : INCULTE
EAN : 9782916940557
Parution : 6 avril 2011
Pagination : 217 p.
Poids : 281 g.
Coup de cœur
Une superbe introduction, en 24 nouvelles et 3 courts essais à la magie des mots / concepts de Claro.
Malgré l’intitulé gentiment trompeur ("Essais") figurant sur la couverture, ce recueil publié en 2011 chez Inculte comporte 24 nouvelles (même si certaines font plus que flirter avec la visée théorique…) et 3 essais de Claro, dont 19 textes parus auparavant dans diverses publications relativement confidentielles.
Le leitmotiv issu du superbe essai sur Beckett ("Beckett en corps") peut s’appliquer à une bonne part de ce recueil hilarant : "C’est vraiment un texte très drôle même si on ne comprend pas tout."
Pour ne citer que mes préférés, parmi les 21 textes courts, on pourra ainsi se plonger dans l’archéologie savante – et (presque) érotique – de la machine à écrire ("Underwood Requiem"), dans une ode noire à la création de mythes ("La vérité sur Homère et les crapauds accoucheurs"), un panorama alphabétique, en forme de litanie, sur la composition musicale – qui peut aussi se lire, avec un rien de mauvaise foi, comme une authentique célébration de Frank Zappa ("Écrire la musique"), une variation éléphantine qui crée comme une résonance avec le monumental "CosmoZ" ("Jumbo en cage"), un inventaire autrement plus tranchant et coupant qu’un "à la Prévert", à partir de ce que peuvent inspirer sans doute certaines agressives affiches aéroportuaires ("Ce qu’on met dans sa valise avant de partir en Utopie"), un hommage enjoué à Edgar Rice Burroughs (même si le Lord Greystoke mis ici en scène évoque davantage celui de P.J. Farmer) et à William S. Burroughs ("Tarzan dans la jungle molle"), une démonstration de la filiation qui fit engendrer le wallpaper informatique par la mire télévisuelle ("Tout dire sur la mire"), une formidable lecture socio-politique de la saga de Pollux et de ses amis – peut-être mon texte préféré dans ce recueil, à ranger parmi les très grandes nouvelles de la littérature ("Le Manège désenchanté : Ce qui ne tourne pas rond"), et enfin, une autre manière d’envisager des injonctions contradictoires à la Kipling ("Ce qui n’est pas possible").
Suivent trois "récits retors", nouvelles sensiblement plus longues, d’où "La souffrance des choses", petit miracle alliant en un mélange détonant E.T.A. Hoffmann, Raymond Devos et le Brocanteur Errant en neuf pages, et "American Cream", ironique lecture de la mondialisation culturelle en un joli renversement d’archétypes, se détachent avec bonheur. Et attention au ketchup qui pourrait dégouliner, il peut tacher…
Les "trois usines surchauffées" qui concluent le recueil, trois essais enlevés, drôles et incisifs à la fois, sur Flaubert, Beckett et Artaud, achèvent de convaincre que l’on tient là, sous son air faussement modeste, un très grand recueil pour amoureux des mots, de la pensée critique et de la littérature.
Coup de cœur