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Rue des Voleurs

de Mathias ENARD

Rue des Voleurs

Prix éditeur : 21,50 €

Collection : ACTES SUD

Éditeur : ACTES SUD

EAN : 9782330012670

Parution : 18 août 2012

Pagination : 256 p.

Façonnage : broché

Poids : 341 g.

Coup de cœur

De Tanger à Barcelone, un adolescent arabe. Fuite, espoir, résignation. Justesse.

Le nouveau roman de Mathias Énard, paru fin août 2012, retrouve le pourtour méditerranéen qui enchantait Zone et les civilisations arabes familières à l'auteur, dans un ambitieux récit à la première personne, néanmoins non dépourvu d'astuces.

À travers le regard de cet adolescent de Tanger, déchiré entre poids des traditions, omniprésence du fait religieux, aspirations simplement humaines et désirs mondialisés, connecté au monde, aux illusions marchandes de l'Occident comme aux révolutions du printemps arabe en risque de rapide désenchantement, via wifis et cybercafés fragiles, Mathias Énard nous offre (car c'est bien d'un cadeau qu'il s'agit ici) une peinture brutale aux accents terriblement justes.

Flottant, dans un court périple qui semble pourtant logiquement interminable au narrateur, de Tanger à Barcelone, en passant par Algésiras (et son ferry bloqué en zone hors douane pour impayés de l'armateur) et une brève excursion, pleine d'espoir, à Tunis, le récit se heurte violemment au sang aléatoire, au sexe incertain et aux murs érigés autour de tout espoir des laissés pour compte de la mondialisation, renvoyés de fait à leur statut de braconniers, de "voleurs", métaphoriques ou non.

Se taillant un chemin terriblement étroit entre culture arabe classique et langue française issue de la Série Noire (belle astuce narrative, au passage, pour disposer d'une langue savoureuse et sans doute plus accessible au lecteur que le féroce flot de Zone), entre amour sincère, fantasme et incommunicabilité, entre quête légitime et résignation inévitable, le narrateur ira ainsi, à Barcelone, jusqu'au bout de la paranoïa secrétée à chaque page par le spectre de l'extrémisme religieux qui hante plus que jamais cette Méditerranée tentant de se "libérer"...

Un nouveau livre (presque) indispensable, donc.

Il y avait quelque chose que je ne comprenais pas : l'Europe admettait-elle qu'elle n'avait pas les moyens de son développement, que ce n'était qu'un leurre, qu'en fait l'Espagne était un pays d'Afrique comme les autres et tout ce que nous voyions, les autoroutes, les ponts, les tours, les hôpitaux, les écoles, les crèches, n'était qu'un mirage acheté à crédit qui menaçait d'être repris par les créanciers ? Tout disparaîtrait, brûlerait, serait avalé par les marchés, la corruption et les manifestants ? Si c'était le cas, beaucoup finiraient rue des Voleurs ; beaucoup allaient déchoir, changer de vie, mourir jeunes, faute d'argent pour se soigner, perdre leurs économies ; leurs enfants hériteraient d'un coup de pied au cul, n'iraient plus dans de belles écoles, mais dans des granges où l'on se serrerait autour d'un poêle à bois - personne ne voyait cela. Il fallait venir de loin pour imaginer ce qu'allait être cette transformation, venir du Maroc, venir du Cheikh Nouredine, venir de Cruz et de ses cadavres.

[... et Charybde 1 approuve.]

Quatrième de couverture

Avoir vingt ans à l’heure du printemps arabe, parler le français des romans de série noire, servir avec inquiétude les Frères musulmans, placer la liberté plus haut que la religion, faire acte de chair avec une jeune Barcelonaise et, de Tanger, contempler le mince détroit par où gagner ce qui semble le jardin des délices…

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