Connexion

Césaire, Perse, Glissant : Les liaisons magnétiques

de Patrick CHAMOISEAU

Césaire, Perse, Glissant : Les liaisons magnétiques

Prix éditeur : 17,00 €

Collection : PHILIPPE REY

Éditeur : PHILIPPE REY

EAN : 9782848763644

Parution : 31 octobre 2013

Pagination : 216 p.

Poids : 309 g.

Coup de cœur

Un essai poétique et politique d'une rare puissance, avec Césaire, Perse, Glissant et... René Char.

Publié en octobre 2013 chez Philippe Rey, ce nouvel « essai poétique » de Patrick Chamoiseau pousse encore plus loin qu’à l’accoutumée sa capacité à jongler en virtuose entre le pensé et le ressenti, au service d’un double projet cher bien entendu à feu Édouard Glissant, dont il fut si proche, intellectuellement et humainement.

Il s’agit ici de assembler les forces intelligemment incantatoires des trois poètes et écrivains peut-être les plus puissants de l’antillanité française, malgré les paradoxes apparents, d’une part, et de réaffirmer toute la pertinence et le devenir-monde de la créolisation et du Tout-Monde, justement, face à la mondialisation libérale, tâche plus que jamais nécessaire hélas, à une heure où la désunion et l’impuissance semblent partout l’emporter.

Aux côtés de Patrick Chamoiseau lui-même, et de sa parfaite connaissance, intime, de l’œuvre des trois géants, quel bonheur et quelle inspiration de sa part d’avoir choisi comme deuxième guide le poète du combat et du doute surmonté, par excellence, qu’est René Char, dont les « Feuillets d’Hypnos », tout particulièrement, accompagnent chacun des chapitres de ces « Liaisons magnétiques » (plus incisives, donc, on s’en doutait, que de simples « Champs magnétiques », n’en déplaise à André Breton et à Philippe Soupault).

Rythmé par le défilé des saisons, observé depuis Saint-Pierre très certainement, dont les indices retrouvent logiquement les accents occasionnels de Césaire comme du Perse d’ « Éloges », ce parcours dans les œuvres soigneusement mêlées, en se replongeant régulièrement dans la cale infecte du bateau négrier, creuset d’une transformation que Césaire – nous dit Chamoiseau – sous-estima longtemps en s’arc-boutant sur la notion trop parcellaire (même si historiquement nécessaire) de négritude, et à l’atroce culpabilité de laquelle Perse ne put échapper, au fond – et c’est là hypothèse forte et hardie de la part de l’auteur des « Neuf consciences du Malfini »… -, qu’en se jetant à cœur et à esprit perdus dans la poésie la plus « grande » possible… Tandis qu’in fine, moins éclatante peut-être, moins forte en apparence en couleurs et en sensations, c’est à la subtile mais volontariste sagesse de Glissant, celui de « La cohée du Lamentin » tout spécialement, que Chamoiseau comme Char semblent nous ramener pour agir, une fois puisé le souffle épique aux sources de l’esclave rebelle et du planteur peut-être repentant.

Un essai qui allie beauté intérieure, courage politique et culturel jamais rassasié, profonde intelligence du monde et de la littérature, qui, coïncidence sans doute, paraît presque en même temps que le « Romanciers pluralistes » de Vincent Message, travail intense de littérature comparée, utilisant lui aussi une intime connivence avec l’imagination des plus grands écrivains pour proposer des pistes d’action humaine au fond très concrètes, pour peu que la lectrice ou le lecteur y attache un peu d’attention et d’effort.

Une lecture dont on sort grandi et plein de cette joie paradoxale que Char, dès la première page des « Feuillets » désignait peut-être ainsi : « Conduire le réel jusqu’à l’action comme une fleur glissée à la bouche acide des petits enfants. Connaissance ineffable du diamant désespéré (la vie). »

« Relire et relire Feuillets d'Hypnos. C'est comme mon oxygène. En ce moment, je ne quitte Char que pour Perse, Césaire ou Glissant. Feuillets d'Hypnos... Poèmes ? Char les appelait "notes". Ce n'était pas le poète qui les écrivait, mais le capitaine Alexandre. Le poète était devenu un guerrier durant la seconde guerre dite mondiale, rôdant dans l'ombre, la mort, la fuite, la peur, les hommes à tenir, les trahisons à prévenir. Guerre de chaque jour, mais poésie quand même. Char se retrouvait en lutte contre la démence humaine. Tous les résistants ont des poètes en eux. Tout vrai poète a la fibre du rebelle. Char et le Capitaine Alexandre habitent la même insurrection : ... "Nous avons recensé toute la douleur qu'éventuellement le bourreau pouvait prélever sur chaque pouce de notre corps : puis, le cœur serré, nous sommes allés et avons fait face". »

 

Tous les exemplaires disponibles