Ciseaux
Prix éditeur : 19,00 €
Collection : FAYARD
Éditeur : FAYARD
EAN : 9782213668796
Parution : 22 août 2012
Pagination : 272 p.
Façonnage : broché
Poids : 390 g.
Coup de cœur
Splendide re-création de la vie de Carver, de ses deux épouses et de son éditeur surnommé "Ciseaux".
Après la remarquée Fille De Carnegie, d'abord pièce de théâtre avant d'être adaptée en roman par ses soins en 2008, puis l'aventure "7ème arrondissement" de la journaliste Mona Cabriole chez La Tengo (Elvis sur Seine, 2011), le troisième roman de Stéphane Michaka, fort différent des précédents, paru fin août 2012 chez Fayard, est un coup de maître.
Décortiquant par le menu, en s'appuyant sur de riches sources biographiques et autobiographiques, l'incroyable rectangle "amoureux" composé par le grand nouvelliste américain Raymond Carver, ses deux épouses successives et son éditeur (surnommé, on verra pourquoi, "Ciseaux"), l'auteur nous propose une incursion à la fois puissante et accessible dans les mystères de la création littéraire.
Trouver les voix de ces quatre personnages pour écrire ces notes, ces fragments, ces lettres fictives, leur donner l'épaisseur nécessaire, inventer à bon escient : un pari redoutable et extrêmement réussi, qui nous emmène donc, à fond et de plusieurs points de vue, visiter l'alcoolisme de Carver, ses doutes, les sacrifices familiaux, l'usure de son couple avec Maryann Burk-Carver, le rôle de Gordon Lish qui le publie dans "Esquire" au prix de "coupes" si sévères que l'on peut parler de réécriture, l'influence de sa poétesse de seconde épouse, Tess Gallagher, l'aidant à discerner la part de vérité dans son style propre, moins minimaliste que la création de son éditeur...
Une histoire complexe, belle, très humaine et très intellectuelle à la fois, qui donne férocement envie de se plonger dans les nouvelles de Raymond Carver (l'édition de ses œuvres complètes par l'Olivier fournit les deux versions des textes, celles "travaillées" par Gordon Lish à la publication initiale, et celles "rétablies" de l'édition finale par Carver et par sa seconde épouse), et qui, servie par l'écriture nerveuse et aisément polyphonique de Michaka, permet d'apprécier le tragique maîtrisé de l'existence de l'écrivain, mort à cinquante ans d'un cancer alors qu'il avait maîtrisé son alcoolisme depuis plusieurs années.
Un roman qui se nourrit des arcanes mêmes de la création, tout en donnant à voir, de manière saisissante, l'étrange combativité de ces laissés pour compte qui, avec Carver, rient sardoniquement à la face de la dureté de la vie, sans jamais se laisser intimider.
"Comment cela ? Comment cela, "il ne veut pas" ? Passe-le moi. Passe-le moi, je te dis. Lorraine... Tourne le combiné vers lui. Ithaque, c'est Papa. Papa n'est pas content. Papa doit rester au travail, il va rentrer tard. C'est Maman qui va te lire "Le démon de la perversité". C'est Maman, pour une fois. Alors tu vas au lit, tu m'entends ? Ithaque, arrête tes conneries. Si tu ne vas pas au lit, Papa va rentrer et il va te couper les couilles. Quoi, Lorraine ? "On ne peut pas..." "On ne doit pas..." On n'a pas de couilles, à trois ans ? Mon fils a des... Ithaque a... D'accord, c'est toi qui gères."
"Pourquoi êtes-vous venue exactement ? Vous écrivez un mémoire. Vous allez voir un éditeur. Et vous lui demandez de définir la fiction. Je ne suis pas Dieu le Père. Juste le Capitaine des conteurs. Ce surnom n'a jamais pris, j'ignore pourquoi. Ma réputation, je la dois à mon coup de ciseaux, mon habileté à tailler dans les textes que je publie.
Mais il y a autre chose : ma façon, sous un mot, d'en découvrir un autre. Plus net, plus précis. Une incision qui libère ce que la phrase enfouissait.
Je pense que vous êtes venue pour mon esprit, et aussi pour mon corps."
Coup de cœur
Quatrième de couverture
À quinze ans, Raymond décide qu’il sera Hemingway ou rien. Et la nouvelle, avec ses silences têtus et ses fins en lame de rasoir, son genre de prédilection. Il a des envies d’ailleurs et la vie devant lui. On est à Yakima, dans le nord-ouest des États-Unis. Autant dire nulle part. Son ambition donne le tournis à Marianne, la petite serveuse de la boutique de donuts. « C’était le truc le plus excitant que j’avais jamais entendu.
Pleine d’assurance, je lui ai dit : “Tu peux compter sur moi, Ray.” » Les deux adolescents se marient quelques mois plus tard. Marianne est enceinte. Raymond n’a pas commencé à boire. Douglas, lui, vient d’obtenir le job de ses rêves : directeur littéraire d’un magazine prestigieux. Les nouvelles qu’il reçoit l’irritent comme un vilain psoriasis. Pour calmer ses démangeaisons, il coupe, réécrit, sculpte avec ses ciseaux.
« C’est leur voix. Leur voix, tu m’entends ? Mais c’est ma signature. » Quand il le rencontre, Ray peaufine son art dans l’alcool depuis près de dix ans et Marianne subvient aux besoins du ménage. Douglas va changer leur vie. Raymond Carver, Maryann Burk-Carver, Gordon Lish et la poétesse Tess Gallagher qui attend son heure en coulisses… Ciseaux raconte leur histoire : dans l’Amérique des années soixante à quatre-vingt, l’accomplissement de deux hommes en proie à une dépendance réciproque, un écrivain et son éditeur qui coupe ses textes au point de les dénaturer.