Sous la Colline
09/01/2016 Coups de coeur
La mention du Corbu fait chavirer les cœurs. Toujours, cette romance du créateur suprême, celui par qui tout a été possible. Le Gris. Qui peut aujourd’hui prétendre savoir ce qu’il y avait en lui ? Une âme torturée, rationnelle jusqu’à la nausée, qui n’avait jamais exclu l’impossible désir de se tromper. Un homme de contradictions. Un homme qui avait passé sa vie au chevet de son œuvre, persuadé de pouvoir changer le monde en le réduisant, lui imposant une norme idéale qu’il avait déduite de ses études, de son instinct. Un visionnaire borgne – amblyope – qui voulait refaire l’humanité à son image.
Début 2012, un incendie frappe la cité Le Corbusier à Marseille. Une fois le sinistre maîtrisé, on découvre un étrange placard non répertorié sur les plans : les habitants appellent donc l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) pour voir de quoi il retourne. C’est Colline, membre de l’institut, qui prend le coup de fil et se rend sur les lieux. Elle y fait une découverte étonnante qui réveille des secrets et des forces enfouis depuis fort longtemps…
Etrange et fascinant. Voilà les deux mots qui viennent à l’esprit à la lecture de Sous la Colline. David Calvo immerge son héroïne (et le lecteur) dans un lieu a priori parfaitement balisé. Mais il en sourd une atmosphère tout à fait particulière où l’esprit de son génial et controversé créateur semble avoir convoqué des puissances millénaires. Le Corbu s’y transforme peu à peu en un creuset où les mythes grecs et chrétiens se conjuguent aux forces de la Nature. Où les principes féminins immémoriaux semblent avoir imprégné l’esprit de l’architecte.
L’écriture de David Calvo, toute en contrastes et fulgurances, tour à tour précise et flottante, poétique et elliptique rend magnifiquement cette ambiance onirique. Ce quasi huis-clos au sein de la cité, véritable visite guidée de ses coutumes et de ses mystères, n’a rien à envier aux plus étranges fantasy urbaines. N’y manque presque qu’une traditionnelle carte que Colline – et c’est bien là le cœur du roman – ne peut qu’essayer de deviner pour accéder à l’essence du lieu.
Une deuxième quête vient ici se greffer aux mystères de la cité. Celle, plus personnelle, plus intime, de Colline, personnage à la recherche de son identité, de sa féminité récemment assumée mais pas encore conquise. Tout en délicatesse et en pudeur, David Calvo décrit la naissance de cette personnalité, son épanouissement qui va faire étrangement écho aux forces qui se réveillent…
Roman troublant, inclassable, Sous la Colline exsude une atmosphère unique qui imprègne durablement ceux qui acceptent de s’y abandonner.