Blue Jay Way
01/04/2012 Coups de coeur
Un thriller américain (!), un bon.
Julien, le narrateur, est un français à New-York. Ayant perdu son père dans les attentats du 11 septembre, il s'acharne à ne pas s'en remettre, avec une passivité qui le caractérisera tout le roman.
Quand Carolyn Gerritsen, l'auteure sur qui il écrit une thèse, lui propose de s'installer à Blue Jay Way, la villa hollywooddienne où vivent son fils et son ex-mari, Julien quitte une existence vide (la sienne) pour devenir le témoin d'une autre (celle de la faune de L.A.).
Officiellement professeur de français pour un jeune homme à la dérive, le narrateur erre entre son ordinateur et la piscine ou la cuisine, entre théories du complot sur le 11 septembre et existences en décomposition accélérée. Si le temps semble suspendu, sur ce niveau de narration, la pourriture est toute proche sous le verni : sexe, drogue, jeux malsains, manipulation, confrérie étudiante, enlèvement...
En parallèle, on suit deux enfances, deux monstres. L'un, rescapé du suicide de sa mère, se sent poursuivi par le diable, passant de HP en HP. L'autre, petit sadique manipulateur, joue l'innocence et torture ses camarades pour les conduire à la folie. On devine qu'à l'âge adulte, ils évoluent près de Julien et de Blue Jay Way. Mais qui ?
Si Julien, et le lecteur, devinent ou soupçonnent beaucoup, rien n'est jamais vraiment acté, rien n'est jamais clair. Sans doute parce que Julien subit l'histoire comme témoin, sans volonté propre, dans un décor où tout est vain et tout est faux.
Fabrice Colin peint le Los Angeles de Bret Easton Ellis (Moins que zéro), sa décadence et sa vacuité, tout en s'appliquant à y placer tous les codes du thriller américain. Jusque dans le style où l'on croit percevoir des erreurs de traduction avant de se souvenir que l'auteur est français...
A lire. Parce que c'est bien, voilà.
{... et Charybde 2 est bien d'accord]