Guerre aux humains
05/09/2011 Coups de coeur
Une narration déjantée mêlant avec brio des registres très éloignés, dans laquelle la forêt où vit un ermite écologiste devient un champ de farce, où triompheront peut-être... les sangliers mutants !
À côté de leurs ouvrages écrits en commun tels les monumentaux L'Œil de Carafa ou Manituana, les membres du collectif bolonais Wu Ming s'octroient régulièrement des escapades dans des projets en solo.
Guerre aux humains, publié en 2004 (et traduit en français en 2007) est pour l'instant le seul de Wu Ming 2 (Giovanni Cattabriga).
Dans cette narration déjantée et électrique, Marco, un jeune écologiste philosophe, bien décider à accéder à un état supérieur de pouvoir spirituel ("devenir un super-héros"), fuit la ville babylonienne pour prendre le maquis, et vivre dans les bois en troglodyte, adoptant le nom de code "Walden" en référence bien entendu à son héros Thoreau.
Mais ces bois italiens de l'exil sont bien loin d'être aussi tranquilles qu'il l'espérait : en une succession échevelée et enchevêtrée de quiproquos et de télescopages, clandestins en fuite, écoterroristes plus ou moins inspirés, carabiniers aveugles ou matois, enquêteurs avisés, chasseurs, braconniers, et... sangliers mutants ou fous vont tous participer à la construction d'une gigantesque farce, pas si éloigéne de celle de l'Ammaniti de La fête du siècle, farce qui pose néanmoins presque toutes les questions politiques, sociales et écologiques que l'on peut imaginer en ce début de millénaire...
Trop de règles à la con.
Les écriteaux. Les plastrons. Les procès-verbaux.
Boni lorgna les aiguilles de la montre sous l'ourlet de la grosse veste. Il n'y avait pas moyen de commencer à un horaire décent. Interdit avant 10 h. Interdit après 17 h.
Rizzi était un chef d'équipe rigide, scrupuleux. Élu à défaut d'autres choix. Sur quarante chasseurs, le seul avec les qualités requises. Cinq ans d'expérience et le petit diplôme : gestion faunico-cygénétique de l'espèce sangliers.
Avant de tirer les postes au sort, il vérifiait que tout le monde portait les vestes orange avec leur numéro d'équipe. Les fusils devaient être déchargés. Sur le type de canon, il était plus permissif. Utiliser la lisse était une coutume, pas une règle. Quant aux munitions, il évitait de vous fouiller pour le contrôle, mais vous pouviez être sûr que ça lui déplaisait. (...)
C'était comme voyager en Ferrari avec un type qui fait du cinquante en agglomération, ralentit à l'orange et se plaint qu'on mette pas la ceinture. Gonflant. Dès que possible, Lele et Graziano devaient fréquenter le cours provincial. L'expérience, ils l'avaient. Ils remplaceraient le Pinailleur.
Impressionnant de maîtrise, mêlant habilement les registres et les codes du roman noir, du fantastique, de l'essai social, de la comédie politique et de la science-fiction, "sérieux sans se prendre au sérieux" : la devise implicite du collectif Wu Ming est une fois de plus mise en œuvre avec brio.