L'année de l'hippocampe
25/11/2014 Coups de coeur
«Un futur qui s’avance comme un mur d’effroi et, en vérité, nous savons tous que tout va changer, mais nous ne savons ni quoi ni quand.» (Vassili Golovanov, Eloge des voyages insensés – cité en épigraphe)
Déprimé, fatigué et en proie à de profonds doutes, Félix Arramon est venu s’isoler avec sa 2CV dans la petite maison en bord de mer ayant appartenu à sa grand-mère, où il a retrouvé sa planche de surf. Là, il se donne trois-cent soixante cinq jours pour décider de la direction à donner à sa vie, une décision dont les ressorts et enjeux sont au départ obscurs, apparemment liés à des souvenirs traumatisants matérialisés par la présence dans la maison d’un carton mystérieux plein de «trucs»…
«Nous sommes de plus en plus nombreux dans mon état, des âmes errantes et inutiles, si conscientes de leur état que cela en constitue une torture supplémentaire. Je n’abandonne pas la partie par idéologie ou dégoût ou colère. Je laisse tomber parce que l’esprit ne suit plus et que le corps est fatigué.»
Pour sortir de son malaise, la seule discipline que Félix s’impose, une discipline confinant à la pénitence pour ce mélomane, est d’écouter un seul disque chaque jour, et d’écrire quelques notes tous les soirs. C’est ce journal qui nous est donné à lire - une page par jour ponctuée par la mention du disque quotidien – un ensemble en forme de montagnes russes émotionnelles.
Caméléon en forme ou déprimé, en fonction de ses rencontres, de la musique et du temps qu’il fait, Félix se lie d’amitié avec de rares voisins, pense très souvent et rend visite à Tim, son ami si proche, un garçon singulier érudit et subtil, eternel révolté contre la société refusant toute forme de stéréotype. Enfin Félix tombe amoureux, un amour partagé qui semble lui ouvrir une porte vers un futur plus radieux malgré ses fêlures et ses obsessions.
Les thèmes de l’illusion, du double et de la falsification au cœur de ce troisième roman de Jérôme Lafargue (Quidam éditeur, 2011) sont chers à l’auteur, et tout le charme du livre, outre cette description bien sentie du malaise d’un homme emblématique d’une époque, réside donc dans sa personnalité problématique subtilement dévoilée, et dans les ruptures de la narration que Jérôme Lafargue nous inflige, au moment où nous pensions émerger du brouillard.