La guerre dans la BD
22/12/2013 Notes de lecture
Somptueux tour d'horizon des comics anglo-saxons liés aux guerres de toutes époques.
Publié en 2009 au Royaume-Uni, traduit en français en 2011 par Jérôme Wicky chez Eyrolles, ce « La guerre dans la BD » propose un captivant – et magnifiquement illustré – tour d’horizon de la manière dont le neuvième art a su s’emparer de cet aspect déterminant de l’humanité pour en fournir, selon les époques traitées et selon les contextes d’écriture, un compte rendu parfois très singulier, comparé à ceux des autres formes artistiques. Le titre français est toutefois légèrement trompeur, sans malice, par rapport au titre anglais plus précis (« War Comics »).
On trouvera ainsi, toujours assortis de planches et de couvertures de superbe facture, classés par conflit ou type de guerre, les travaux tant des pionniers des années 1930 que de leurs successeurs de l’énorme essor du genre durant la Seconde Guerre Mondiale et ensuite.
Les époques les plus éloignées tout d’abord (péplums antiques, combats de chevalerie, marine à voile, guerres napoléoniennes,…) comprennent aussi un gros chapitre entièrement dédié aux comics de la « guerre sur le sol américain » : guerre d’Indépendance, guerres indiennes, guerre de Sécession, conquête de l’Ouest. On y distingue notamment « Max Bravo, the Happy Hussar », « Tomahawk », ou la grande revue « Two Fisted Tales ».
Les comics liés à la première guerre mondiale, écrits bien après coup, sont l’occasion d’un zoom sur le seul auteur non-anglophone largement représenté ici, avec Jacques Tardi, son Brindavoine et sa guerre des tranchées, ses héros aux gueules cassées et ses officiers patibulaires (dont on ne redira jamais assez, au passage, tout ce que le récent prix Goncourt lui doit…). On y note l’intégration massive, le cas échéant, des images de propagande, travail qui date en réalité de 1939-1945, mais aussi l’apparition de l’aviation et des combats entre as de la chasse. Les héros de la période sont sans doute la revue « Battle » et toute sa remarquable postérité, et l’extraordinaire album « La mort blanche » publié en 1998 par Robbie Morrison et Charlie Adlard.
La seconde guerre mondiale qui voit le moment historique « réel » lors duquel la BD s’empare de la guerre, associe d’abord à l’effort de guerre aussi bien propagande pure et dure que création ou intégration de super-héros ad hoc, y compris avec un racisme avéré (les figures des Japonais, y compris les civils, dans les BDs d’époque, sont particulièrement redoutables). Alors que la fameuse BD « Mademoiselle Marie » indique un sommet difficile à dépasser dans l’illustration des combats de résistance, le « Sergent Rock » apparaît, et avec lui, déjà, une certaine distance ou autonomie par rapport au seul mélange propagande + aventure, avant d’ouvrir la voie aux BDs désenchantées et ouvertement critiques qui vont apparaître ensuite, et qui se généraliseront à partir de la guerre du Vietnam (à l’image du fameux « Vietnam Journal », sans doute l’une des BDs les plus violentes jamais écrites, d’après l’auteur Mike Conroy).
Parmi les créations récentes ou contemporaines, une belle part est accordée à la BD de reportage qui se développe fortement, comme à celles traitant d’ex-Yougoslavie, d’Afghanistan ou d’Irak.
Le livre s’achève par une belle galerie de couvertures, concluant ainsi un effort captivant, nécessairement incomplet, et presque exclusivement anglo-saxon, mais dont les 185 pages sont nettement dignes de figurer dans la bibliothèque de l’amateur, et même dans celle du simple curieux.