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La sauvage

La sauvage

La sauvage
de Jenni FAGAN
ed. MÉTAILIÉ

La sauvage

La sauvage
de Jenni FAGAN
ed. MÉTAILIÉ

C'est pareil en taule ou à l'asile : notoriété égale respect. Genre, si t'as été dans un foyer avec un vrai psychopathe et qu'il dit que t'étais cool ? Alors tu seras un peu plus en sécurité dans le prochain. Si c'est un vrai barge qui s'est porté garant pour toi, on te fera encore moins chier. J'ai pas de souci à me faire pour ce genre de truc. C'est moi la vraie barge.

Anais Hendricks, 15 ans. Accusée d'avoir mis une policière dans le coma, elle est placée au centre pour adolescents difficiles Panopticon, en attendant la fin de l'enquête. Deux fois orpheline, elle connaît déjà le glauque sur le bout des doigts : dégradations volontaires, baston, défonce, viol, pédophilie, prostitution... Mais tout ça n'est rien par rapport à l'Expérience.

Car Anais a un rapport très particulier à la réalité. Peut-être psychotique, très probablement cramée par toutes les substances qu'elle s'est enfilée depuis son enfance, Anais est persuadée qu'elle n'est pas une fille ordinaire. Qu'elle est née d'une boîte de Petri, et qu'elle est observée en permanence par eux. Eux, les gens de l'Expérience, qui la mettent dans des situations intenables et lui pourrissent la vie.

Si cette conviction peut aider à tenir dans l'ambiance délétère du centre où les ados fuguent, tapinent, se droguent, ou brutalisent ce qui passe à portée de main, sous le regard indifférent ou blasé des éducateurs, elle lui apporte aussi son lot de cauchemars. Car l'Expérience est toujours pire.

Au-delà d'une magnifique tranche de vie bousillée dès le départ, des petites joies et des peines de ces gamins foutus que la société ne veut pas récupérer, Jenni Fagan joue avec l'angle mort de la réalité ou de la vérité. On ne saura jamais si le réel dérape ou si Anais perd les pédales. On voudrait la croire quand elle clame son innocence mais on doute, tout le temps (contrairement aux adultes qui l'entourent, convaincus qu'elle est coupable).

Dans un réel déformé, où la folie affleure, Anais trouve néanmoins une incroyable énergie à vivre, à s'inventer des vies, des rêves. Une énergie brutale et un rien désespérée, mais communicative. 

Eric traînasse, il s'assure que la menue monnaie est bien sous clé, il repose un crayon dans le pot à crayons de Joan.
- Je saigne comme une putain d'hémophile, là.
- Tu sais épeler ce mot ? rétorque-t-il.
- Et toi tu sais épeler connard ?
- Sois pas grossière, Anais.
Il prend un trousseau de clés et marche devant moi. Arrivé devant la réserve il enfonce une clé mais il arrive pas à la tourner tout de suite.
- Quel genre de produit hygiénique tu veux ?
- Le genre qu'on se fout dans la chatte pour arrêter la sang ?
Il s'écarte de la porte, les joues en feu. Sérieux, ce connard est complètement attardé. Il a jamais dû aller chercher des Tampax pour les nanas ?
- Choisis-en un toi-même alors.
- Je suis pas en train de choisir une bague en diamant, Eric. On en choisit pas UN, on a besoin d'une putain de boîte entière.
- Tu as un problème de comportement, Anais.
- Sans blague, Sherlock.