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La très bouleversante confession de l'homme qui a abattu le plus grand fils de pute que la terre ait porté

La très bouleversante confession de l'homme qui a abattu le plus grand fils de pute que la terre ait porté

La très bouleversante confession de l'homme qui a abattu le plus grand fils de pute que la terre ait porté
de Emmanuel ADELY
ed. INCULTE

Que doit-on imaginer aujourd’hui dans la tête d’un soldat des forces spéciales américaines ? Énorme.

Publié en janvier 2014 chez Inculte, ce nouveau texte d’Emmanuel Adély, encore une fois caractéristique de son écriture en flux de conscience génialement logorrhéique, s’attaque aux pensées qui germent, foisonnent et s’entrechoquent au creux ombré des cerveaux de soldats contemporains à la fois bien particuliers et potentiellement emblématiques, ceux des deux escouades de forces spéciales américaines qui réalisèrent en mai 2011 le raid héliporté sur Abottabad, la capture et l’exécution d’Oussama Ben Laden.

On pourra trouver ce flot puissant et terrible, issu d’une vingtaine de cerveaux et de moelles épinières militaires, excessif, emporté, et chargeant sauvagement sabre au clair, si on le compare aux images ô combien plus policées qui furent jadis celles des unités d’élite du type GIGN en France, ou, pour rester aux États-Unis, du type SEALS des années 80, souvent cités pour leur relatif "intellectualisme" et leur indéniable équilibre psychologique et nerveux. Cet excès apparent ne relève toutefois pas de la caricature anti-militariste, mais du signal sociétal fort et clair : là aussi, le monde a changé.

Ces monologues intérieurs à peine conscients, gorgés de testostérone, de christian metal, de clips de gangsta rap ou de bribes de productions hollywoodiennes à grand spectacle, fournissent en réalité la bande-son intérieure, précisément, des images, colportées à longueur d’écrans, du triomphant guerrier impérial contemporain, gardien du Bien évidemment, mais aussi et peut-être surtout, héros de clips, de films et de jeux vidéo. Noyant le fait guerrier sous cet arsenal de décibels et de fragments visuels à haute intensité, les soldats eux-mêmes se sont appropriés l’imagerie propagée sur eux, et la culture dans laquelle ils baignent avec ravissement, toute d’obsession sexuelle, de surpuissance machiste et de haine toujours justifiable et justifiée, autorisant ce miracle de "self-righteousness" jusque dans le viol et l’assassinat.

Extrait Adely 1

Le texte d’Emmanuel Adély enregistre la victoire du mythe impérial populaire américain sur la réalité, comme l’avaient fait à l’écran le "Démineurs" de Kathryn Bigelow, après les points d’interrogation semés sans doute, mais aussitôt intégrés et assimilés dans le mental officiel, par "La chute du faucon noir" de Ridley Scott (comme le mentionne d’ailleurs l’un des protagonistes). C’est aussi qu’entre les moments saisis par Francis Ford Coppola en 1979 (le concert offert à la soldatesque droguée et défaitiste dans "Apocalypse Now") et par Sam Mendes en 2005 (la terrifiante scène de "décompression de l’attente" dans "Jarhead", sur les airs de "Gonna Make You Sweat" et de "Mambo Sun"), l’Amérique a vécu l’introspection, la honte mal assumée, la prise d’otages de son ambassade iranienne, certes, mais aussi le reaganisme, le démantèlement social et le renforcement de la culture du "chacun pour soi, la tête et le sexe hauts", qui domine nettement désormais.

Sous son air résolument sauvage et déjanté, sous cette approche "Take no prisoners" (pun totalement intended), Emmanuel Adély nous donne probablement à lire le texte de fiction le plus cinématographique et le plus sombrement réaliste de la guerre impériale contemporaine et de ses terrifiantes ramifications psychologiques.