Le crépuscule des chimères
01/11/2013 Coups de coeur
Du panache ! Du nawak ! Le crépuscule des chimères, ou un mille-feuille de niveaux de lecture et d'humour au degré X.
Un univers pré-Narcose, très pulp, dont l'anti-héros joue son rôle à fond sans vraiment agir, rebondissant comme les autres personnages, vers leur destin ou leur perte. Anjel passe aussi son temps à rattraper les bombasses qui lui tombent dans les bras les unes après les autres : la flic Marbella, la psypute Alice, Eva la journaliste... Et, si les appendices animaliers de Narcose n'en sont qu'aux premières expérimentations, on se plugue déjà un poulpe dans le cou pour échanger des infos.
Wow.
Et puis les chimères. Fantasmes. Images flamboyantes propres à l'imaginaire de Barbéri. Dieux, déesses, monstres. Bulles d'univers qui sont autant d'hommages à la littérature, au space opéra, aux mythes. Moult références, aussi, avec de vrais morceaux de pastiches dedans.
Et là c'est festival : des grappes d'univers explosent les unes après les autres, passées au lance-flamme, des mondes sont en guerre, les portes en sont les clefs. Jacques Barbéri joue. Et quand il s'éclate, nous aussi.
Si Narcose était "un cocktail speed entre Alice au pays des merveilles et Tex Avery", on retrouve ici la même jubilation, le même imaginaire qui pulse sans considération pour la vraissemblance et pulvérise tout réalisme.
Quand au lecteur arachnophobe, comme moi, il éprouvera en plus cet étrange plaisir d'évoluer à la limite de son angoisse. Serpents et araignées luttent sans fin dans ce récit, et on en oublie même qu'on tient entre les mains un magnifique spécimen signé Stéphane Perger.
"Je ne suis pas fou mais je suis dément, et j'en suis fier. La folie essaye d'organiser le chaos ; moi je me contenterai de peupler le néant. Je serai un de ces prophètes issus des crevasses noires et humides du genre humain. Mais pour l'instant je me dois d'être patient. Je sais que l'instant approche. Jour après jour, une étrange tiédeur glisse sur ma peau. Je sens l'avenir comme s'il s'agissait d'une énorme bête gesticulante, un dragon rouge et or dont les ailes noires claquent dans l'air bouillant du temps. Et le vent brûlant vient, après plusieurs années d'un voyage à rebours, caresser la peau du prophète.