Connexion

Le dernier mot

Le dernier mot

Le dernier mot
de Hanif KUREISHI
ed. CHRISTIAN BOURGOIS

Harry Johnson, trentenaire britannique blanc cherchant le chemin de la réussite, accepte de tenter d’écrire la biographie de Mamoon Azam, écrivain britannique vieillissant, musulman d’origine indienne, qu’il admire depuis l’adolescence, et dont la grande aura s’est fanée avec les ans et ne suffit plus à couvrir les dépenses compulsives et la soif de reconnaissance de son extravagante épouse italienne, Liana.

L’éditeur veut du sensationnel, une biographie controversée pour créer un big-bang et relancer les ventes des livres de l’écrivain à l’étoile pâlissante. Maniant les menaces et les arguments pervers, il souligne les défauts de Mamoon et la médiocrité de la vie qui attend le jeune biographe s’il ne réussit pas dans cette entreprise. Chargé de ces lourdes consignes, extrêmement tendu et instable, Harry part donc vivre dans la maison recluse à la campagne de Mamoon, pour tenter dans un face-à-face avec l’écrivain de lui extirper le matériau nécessaire pour écrire la biographie, dont il espère retirer argent, célébrité et reconnaissance paternelle.

Provocateur et colérique, ulcéré du manque de talent du biographe – ou de son incapacité à le raconter -, Mamoon vit en réalité une existence beaucoup plus banale que l’image diabolique qu’on veut bien lui prêter. Le face-à-face se transforme rapidement en un affrontement verbal, mais aussi physique sur les courts de tennis et sur le terrain de la séduction.

«J’aimerais bien que vous arrêtiez de chercher à m’éplucher comme si j’étais un oignon. Vous savez, comme tout le monde, j’ai une passion pour l’ignorance. J’ai envie de travailler dans l’obscurité : c’est le meilleur endroit pour moi, pour n’importe quel artiste. Tout jaillit spontanément, aussi dense que dans un rêve.»

Sixième roman de l’auteur paru en 2013, où l’on reconnait bien les talents d’Hanif Kureishi dramaturge et scénariste, «Le dernier mot» est un livre à multiples facettes (et parfois difficile à suivre, semblant trop léger et inconséquent de ce fait), vibrant des échanges d’idées et des conflits incessants entre les protagonistes, un récit très divertissant et sérieux à la fois, sur la concurrence entre ces deux hommes, le désir et le sexe, le retour incontournable d’un homme vieillissant sur son parcours, un livre très drôle sur l’indécence de la littérature faite uniquement pour vendre, la dramatisation du statut de l’écrivain, la médiocrité et le mensonge, avec un arrière-plan tout aussi savoureux sur la coexistence des milieux sociaux et la société "multiraciale" anglaise.

«Le vieil homme a été frappé par une histoire qu’il a entendue à propos d’Ingmar Bergman : alors qu’il était mourant, le réalisateur avait revu tous ses films dans l’ordre chronologique. Ce qui avait forcé l’admiration de Mamoon, qui voulait expliquer, dans un dernier souffle d’intégrité, ce que c’était qu’être vieux, ce que ça signifiait d’examiner sa vie sans ciller. Il était stupéfait de constater à quel point le passé peut être labile, comment on peut le réécrire et écrire par-dessus encore, indéfiniment.»