Les mêmes yeux que Lost
03/04/2012 Coups de coeur
Une lecture de LOST d'une rare intelligence. Un must pour amateurs, curieux, et même (surtout ?) déçus de la série.
Publié début 2011 dans la collection Variations de Léo Scheer, cet essai de Pacôme Thiellement réjouira tous les amateurs de la série-culte Lost, mais aussi, potentiellement, tous les sceptiques de l'ensemble de la série et tous les déçus de la dernière saison.
Essai brillant, d'une agilité intellectuelle hors du commun et d'une culture fouillée et éclectique, Les mêmes yeux que LOST nous emmène très vite sur le terrain des mythologies orientales, du mysticisme, ou de l'ésotérisme hermétique, mais ne s'y confine pas, loin de là. La lecture des personnages, de leurs moments-clé, de leurs rôles, de leurs limites, de leur sens individuel et de leur signification collective, constitue un véritable enchantement, un défi intellectuel toujours souriant, et une puissante incitation à voir et revoir ces six saisons qui ont dérouté plus d'un spectateur...
Au fil des 115 pages et des 6 chapitres (Pense à une boîte, Le roi du monde, Son nom est Jacob, Introduction au monde de l'âme, L'air lui-même est devenu ténébreux et Regard parfait), on naviguera ainsi avec Ferdinand Ossendowski, Jacques Maritain, René Guénon, René Daumal, Henry James, Constance Fenimore Woolson, Jorge Luis Borges, Francis Ford Coppola, Brian de Palma, Giordano Bruno, Giulio Camillo, Antonin Artaud, David Lynch, Farîd al-Dîn Attâr, Franz Kafka, Raymond Abellio,..., pour un feu d'artifice d'intelligence précise, d'analyse filmique et d'humour malicieux.
LOST, dans son ensemble, peut apparaître comme un remake grandiose de "L'approche d'Almotasim" de Jorge Luis Borges, lui-même un remake du "Langage des oiseaux" d'Attar.
Jorge Luis Borges dit de la défaite qu'elle a une dignité qui appartient rarement à la victoire. On pourrait ajouter que l'échec est le lot de la majorité, tandis qu'une rare minorité peut se vanter de s'être véritablement accomplie pendant sa chétive durée. Les héros de LOST sont, comme vous et moi, quelles que soient leur classe sociale ou leur culture d'origine, des ratés.
Le conflit principal au cœur de LOST n'est pas, comme les scénaristes l'ont longtemps prétendu, celui entre la science et la foi. Ce n'est pas non plus, comme certains personnages se sont maladroitement essayés à le suggérer, celui entre le Bien et le Mal. (...) La polarité centrale de LOST est celle de la confiance et de la tromperie. Et cette polarité est le corollaire du conflit entre la fiction et ses règles et le monde réel et son anomie.