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Singe savant tabassé par deux clowns

Singe savant tabassé par deux clowns

Singe savant tabassé par deux clowns
de Georges-Olivier CHÂTEAUREYNAUD
ed. ZULMA

Depuis plus de trente-cinq ans, Georges-Olivier Châteaureynaud écrit des nouvelles au fil de l’eau et au fil de ses rêves, une centaine à ce jour.

La première des nouvelles de ce recueil (Bourse Goncourt de la nouvelle en 2005, réédité par Zulma en 2013), «La seule mortelle» est à mon goût un chef d’œuvre du genre. Le narrateur a passé sa petite enfance dans un camp de refugiés avant d’hériter d’une immense fortune. Solitaire eternel protégé par son argent, il reste hanté par l’histoire inoubliable que lui a conté une nuit, Mathilde, une prostituée de palace au front dissimulé sous un turban, un conte magnifique sur les illusions cruelles d’une vie de mortel.

«Je dépense sans compter, à certains moments avec fièvre, avec fureur, comme on jette du lest, en ballon, pour se déhaler ou pour remonter, éviter à tout prix le contact brisant du sol et regagner les hauteurs paisibles et glacées du ciel. Ou comme, pour l’étouffer, on jette du sable sur un feu qui se déclare. Décidément, l’analogie entre l’argent et le sable me plaît. Ce sont à mes yeux deux matières brutes, inertes, inépuisables, qu’on peut amonceler en dunes protectrices entre le monde et soi. Car j’ai peur du monde. Rien ne me fera jamais oublier la révélation panique de mes cinq ans : Le monde est un camp de personnes déplacées.»

Au fil des nouvelles, on devient familier des territoires de l’auteur, et de la découverte - à partir d’un quotidien banal, et de héros qui sont le plus souvent du côté des perdants - de personnages et de lieux étranges, énigmatiques, d’univers oniriques teintés de nostalgie, marqués par le destin et le passage du temps.

De ce livre de onze rêves, j’aimerais tout partager. Une de mes préférées, et d’abord pour son titre, est «Tigres adultes et petits chiens», une fantastique nouvelle sur l’alliance mortelle des pouvoirs de nuisance de l’argent et de la séduction. Au tournant du XXème siècle, tandis que la tuberculose fait des ravages à Paris, Jean-Marie Vicennes-Dolprecht, jeune homme phtisique et menacé d’une mort certaine, est admis, par la grâce de la fortune familiale, dans l’établissement de soins du Docteur Gorbius au fin fond de l’Aubrac, qui n’admet que quelques patients mais les guérit tous, pour peu qu’ils en aient les moyens financiers …

On retrouve Gorbius en directeur de cirque (dans « Singe savant tabassé par deux clowns ») ou encore en Monsieur Loyal d’une terrifiante attraction de fête foraine (dans « La sensationnelle attraction »), dans les mondes fantastiques de Georges-Olivier Châteaureynaud, des univers de quelques pages dont on ne s’échappe pas facilement.