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Soap apocryphe

Soap Apocryphe

Soap Apocryphe
de Pacôme THIELLEMENT
ed. INCULTE

Le roman drôle et débridé de l'exégèse pop-culturelle qui se fourvoierait somptueusement.

Publié en 2012 chez Inculte, ce premier roman du remarquable essayiste exégète de pop culture qu’est Pacôme Thiellement (dont j’avais beaucoup apprécié « Les mêmes yeux que Lost », et tout récemment, la formidable somme « Pop Yoga ») réussit le pari d’ouvrir un bel et vertigineux abyme, rempli de verve et d’humour, sous le projet même de l’auteur.

Le roman narre, débridé et comme sous un savant mélange d’excitants et de cocktails chers aux soirées branchées, les (més)aventures d’un ex-enfant prodige musicien, désormais bien décidé à révolutionner le monde par la glose savante et mystique, qu’il entend voir déferler depuis sa forteresse soigneusement underground et néanmoins mondaine, à partir d’un mystérieux manuscrit décrivant la joyeuse ascension du canular créé au départ plutôt innocemment en Palestine par un certain Jésus et ses amis, il y a environ 2 000 ans, tandis que son ex-petite amie entame une redoutable ascension politique…

Charge bariolée, peut-être parfois un peu bavarde, à dessein ou non, sur la genèse des rock stars, la manipulation à grande échelle, les joies perverses de la confidentialité politique et les risques de l’exégèse à tout crin lorsqu’elle manque de recul, d’humour et de curiosité authentique, « Soap apocryphe » constitue une belle illustration des propos de Pacôme Thiellement dans ses essais, associée à une habile mise en garde contre l’abus d’esprit de sérieux, ou contre l’esprit de sérieux qui n’a pas les moyens de sa politique, ce qui revient sensiblement au même.

« Léon avait encore plaqué Lucie contre un mur de la pièce la plus excentrée de l’appartement sous le prétexte fallacieusement mystique d’embrasser le grain de beauté magnétique de son cou, et après avoir essuyé un simple refus de la part de cette suave muse hiératique au teint très mat, il s’était rabattu sur l’alcool, la danse, casser des vitres et les filles un peu grosses. Alors que Mme Tarpelin flirtait outrageusement dans leurs toilettes recouvertes de hiéroglyphes avec un vidéaste heideggérien (ne le sont-ils pas tous ?), histoire de bien faire dégénérer les choses, le jeune Tzinmann rappela à Pierre-André qu’un indien Crow, trompé par sa femme, lui taillade le visage, tandis que, sans se départir de son calme, un Hopi, victime de la même infortune, fait retraite et prie, pour obtenir que la sécheresse et la famine s’abattent sur son village. Devant une assistance littéralement accablée, son intervention ne fit rire que son ami Mark, des commentaires gênés fusèrent de toute part, et Lucie en profita pour le mépriser de manière encore plus cinglante et déprimante. »