Victus
24/05/2013 Coups de coeur
La vie de Marti prend un drôle de tournant quand, revenant de beuverie, il détourne un corbillard et finit dans une vitrine avec le mort sur le lustre... Il a quatorze ans et un choix à faire : rentrer à Barcelone affronter la colère de son père ou partir en apprentissage chez un certain Vauban pour y apprendre l’ingénierie.
Son apprentissage prend fin sur une dernière question de Vauban sur son lit de mort : "Quelle est la défense parfaite ?". L'Espagne déchirée dans des guerres intestines, où toutes les armées d'Europe viennent mettre leur grain de sel, semble être le terrain de jeu idéal pour y trouver une réponse.
Mais Marti va vite découvrir que la guerre est beaucoup plus sale que ce qu'il a pu en apprendre sur le papier. Et que les ennemis ne sont pas toujours là où on l'on croit. Ballotté d'une armée à l'autre, de siège en siège, Marti ne pense qu'à sa question : "Quelle est la défense parfaite ?". Jusqu'au siège de Barcelone où la guerre échappe des mains des gentilshommes pour être saisie par des civils qui n'ont rien à perdre. Et qui vont en crever jusqu'au dernier.
Au soir de sa vie, Marti dicte ses mémoires à une Autrichienne revêche et éprise de romanesque. Le narrateur voulait dicter un témoignage cru et sans fard du siège de Barcelone de 1714, la secrétaire en fait un superbe récit picaresque et haut en couleurs. Et les deux se disputent en permanence sous le nez du lecteur.
Si Albert Sanchez Pinol nous avait séduits par ses récits fantastiques comme La peau froide et Pandore au Congo, il prouve une fois de plus, si besoin était, qu'il sait raconter des histoires. Victus est à la fois un magnifique récit historique, pointu et documenté, mais surtout une palette d'émotions somptueuse, nous faisant passer du rire à l'indignation, de la colère aux larmes, de la tendresse au rire, etc. ; et une galerie de personnages fouillés, humains et fort accrochés à leur peau en des temps où la vie ne vaut pas grand chose.
Avec ce récit en trois parties, Veni, Vidi, Victus, où chacune est encore meilleure que la précédente, Albert Sanchez Pinol va crescendo de manière impressionnante. Finir ce livre est un déchirement. Mais ne pas le commencer serait une grave erreur.
[... et Charybde 2 et Charybde 3 sont méchamment d'accord ! ]