Chroniques de Koudougou : Burkina Faso
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"Sans eux pas de Koudougou, sans eux, pas d'Afrique. Simplement, ils sont."
Enseignante ayant effectué à titre associatif de nombreux séjours à Koudougou (Burkina Faso), Stéphanie Jouan nous livrait ces patientes chroniques en 2007. Articulées autour du mystère de l'intimité révélée, au-delà de la banalité apparente de la troisième ville du pays, dépourvue d' "attractions" touristiques, et des contradictions surgissant de ce contact prolongé, ces 270 pages enchantent le voyageur conscient...
"On ne peut nier l'évidence. Koudougou est une ville miroir, qui renvoie à celui, blanc ou noir, qui s'y observe, "une vérité qui rougit les yeux", comme la décrit si bien cette expression d'ici. Chacun y projette sa perception de la misère. Celle de son quotidien dans un des pays les plus pauvres du monde ou celle d'un continent qui blesse le vingt et unième siècle. Et les images affectent, forcément, les uns et les autres."
"C'est donc ça, Koudougou. Des chiffres accablants, et des preuves tangibles de réussites individuelles et collectives. Les silences et les palabres. Des gamins en loques et qui jouent comme les autres. Une cohorte de maladies dévastatrices et les fêtes colorées. Les greniers à mil vides et le bissap rosé. La débrouille miséreuse et les soirées ambiancées. Les femmes harassées et l'optimisme d'Angèle. Du contraste, en permanence ; la toile de fond d'histoires toutes singulières et pourtant identiques. Car au-delà des apparences, au-delà de la mécanique théorie qui jette sur les pays les moins avancés le même constat d'impuissance alarmiste, ceux qui confèrent à cette ville une identité qu'on ne lui prête jamais, ce sont ses habitants."
"Sans eux pas de Koudougou, sans eux, pas d'Afrique. Simplement, ils sont. Une diversité de caractères, de comportements. Il y a ceux qui renoncent, qui subissent, qui arnaquent. Il y a ceux qui luttent, qui relativisent, qui créent, qui rient. Il y a ceux qui profitent, ceux qui gueulent, ceux qui travaillent. Ceux qui réfléchissent, qui aiment, qui détestent, qui pleurent, parfois. Il y a tous les habitants de Koudougou qui nous regardent passer, nous les Nassara, venus comprendre un peu cette Afrique et qui ne nous demandent rien, si ce n'est une poignée de main. Y a-t-il parfois une lueur d'envie, de supplication dans le regard ? Oui, parfois, mais rarement... Chacun restera digne et fier. La commisération et le misérabilisme ne trouvent pas leur place ici ; on veut bien discuter de ce qui va et ne va pas, envisager des solutions, voire demander un coup de main, mais pour le reste, chaque Koudougoulais reste ce qu'il est, un individu, c'est tout."