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Les fusils

Sur les traces de l'expédition Franklin de 1845, l'étourdissant roman du grand Nord canadien d'aujourd'hui.

Publié en 1994, et traduit en français en 2006, Les fusils est l'une des œuvres les plus emblématiques, et sans doute parmi les plus attachantes, du prodige américain William T. Vollmann.

Le capitaine Subzéro, un Américain amoureux jusqu'à l'obsession du grand Nord canadien, revisite en pensée, en recherches livresques, puis en partie sur le terrain (lors d'un intense moment de solitude dans une station polaire abandonnée - séjour que Vollmann effectua en réalité) l'expédition maudite de Sir John Franklin, à la recherche du passage du Nord-Ouest, disparue corps et biens en 1845, ainsi que plusieurs des expéditions ultérieures qui tentèrent de découvrir le sort funeste des explorateurs... Au passage, il tombera éperdument amoureux d'une Inuit, et s'immergera dans la culture contemporaine de ce peuple largement déraciné, à la difficile intégration dans le Canada contemporain.

Roman étourdissant, où Vollmann mêle avec un talent consommé le reportage, l'histoire, les réflexions politiques et sociales avec le pur plaisir romanesque échevelé, et parvient à un étrange point de fusion entre ses personnages contemporains et ceux du passé, aux franges de la folie... Une révélation à bien des égards.

Maintenant, pendant que Reepah se gave de poulet et boit sa Rattlesnake, laissons ledit Mr Franklin méditer sur la disette qui suivit ; maintenant, pendant que Jane repousse un faisan farci (elle souffre d'un manque d'appétit), pendant que les marins tournent la manivelle de l'orgue mécanique pour passer les jours d'hiver sur Beechey Island et que Fitzjames, Crozier & Cie vont voir Mr Franklin dans ses quartiers et évoquent ensemble le bon vieux temps parce qu'il ne sert plus à rien de parler du passage du Nord-Ouest tant que la glace ne se brise pas, maintenant Mr Franklin sourit et sert lui-même un autre cordial et le vent hurle au-dessus des têtes et c'est à Seth que revient la tâche de maintenir ouvert le trou de glace en cas d'incendie aussi il s'avance dans le vent en pensant : Si seulement Mr Franklin avait écouté Akaicho alors personne n'aurait eu faim cette fois-ci ! - mais c'est se méprendre car si Mr Franklin n'avait pas réussi à descendre la Coppermine sa carrière aurait été finie... - et les tendons du cou de Seth forment des angles tandis qu'il tourne la tête et pense : Si seulement Mr Franklin avait écouté les voyageurs et rebroussé chemin plus tôt, peut-être même qu'alors les choses se seraient bien passées ! - mais c'est se méprendre car alors ils n'auraient jamais découvert Point Virencor ! - et dans la cabine de Mr Franklin l'atmosphère de ces souvenirs tourne aux congratulations, parce que Mr Franklin a fait des découvertes, n'est-ce pas ? et il est rentré avec tous les officiers sauf Hood, n'est-ce pas ? - et donc nous voilà ici.

Madman Bovary

Deux ans avant le monumental CosmoZ, Claro livrait en 2008 son treizième ouvrage, habile et déjanté comme il se doit. Très fin connaisseur et admirateur du romancier au gueuloir, l'auteur s’incarne, le temps d’un dur et rageur chagrin amoureux, et d'une réécriture alerte et pleine d'humour, non pas uniquement dans le personnage d’Emma Bovary, comme on l'aurait trop vite supposé, mais dans le roman de Flaubert lui-même, prenant tour à tour, en fonction de l'instant ou du besoin, la place d'un personnage, d'un objet, voire d'une scène... Emma, Hippolyte, Homais, tous démontés et reconstruits pour notre grand plaisir...

Tourbillonnant à souhait, intense et précis, moins gigantesque que CosmoZ et moins radical sans doute que Bunker anatomie ou Chair électrique, ce roman constitue pour moi la meilleure introduction possible, toute en plaisir et en jubilation, à l’œuvre exigeante de Claro – et pas uniquement pour les passionnés de Flaubert !

« Oui, le corps d’Emma est une discothèque de province, c’est le Louxor, le Tremplin, le Wake Up ou le Pim’s, bref, un de ces night-clubs où il fait bon s’ébattre et suer sans pour autant recommencer les guerres du Péloponnèse. Une lune d’argent pirouette au plafond et fait rissoler ses lucioles blêmes sur les peaux qui s’imbibent selon des rites savants. »


 

Manituana

Avec Manituana en 2007 (publié en français en 2009 - dans la remarquable Bibliothèque Italienne animée chez Métailié par Serge Quadruppani), le collectif d'écrivains italiens Wu Ming renouvelait l'exploit de Q (en français, L'Œil de Carafa) : construire un roman historique au souffle puissant, rigoureusement documenté, parfaitement orchestré, présentant de vrais personnages qui ne soient pas de fugitives caricatures, tout en s'attachant à mettre à jour "l'envers du décor", de l'histoire communément acceptée, du "récit des vainqueurs".

Ici, loin du XVIème siècle de la Réforme et de la Contre-Réforme en Europe (qui était l'objet de L'Œil de Carafa), les Wu Ming nous emmènent en Amérique du Nord, à la veille de la guerre d'Indépendance qui donnera naissance aux États-Unis. Adoptant en détail le point de vue de colons humanistes et fidèles à la Couronne britannique, et de leurs amis amérindiens préférant un souverain lointain et relativement bienveillant à des colons et marchands ô combien présents, et en quête incessante de terres, d'esclaves et de profits, ils nous livrent une vision crédible, documentée et décapante des mythes fondateurs des treize Colonies, loin en effet des réécritures solennelles qui en seront effectuées par la suite. Avec un "morceau de bravoure" indéniable et une authentique fête du langage, lorsqu'une ambassade iroquoise ira affronter Londres, ses splendeurs et ses bas-fonds, pour être reçue à la cour du roi George...

Poursuivant au fond des buts proches de ceux d'un Vollmann dans Central Europe ou d'un Claro dans CosmoZ, avec des moyens entièrement différents, les Italiens chantres du "New Epic" réussissent à nouveau un grand moment d'histoire des vaincus, et nous donnent peut-être le meilleur roman historique de ces dernières années. Travail salutaire et jouissif à la fois, bien servi aussi par une traduction impeccable de Serge Quadruppani.

 

[... et Charybde 1 et 3 approuvent.]

Cinacittà

Publié en 2008, traduit en français en juin 2011 par les audacieuses éditions Asphalte, Cinacittà est le troisième roman de Tommaso Pincio (Marco Colapietro). Il y atteint un nouveau sommet, en combinant des prémisses spéculatives relativement simples, mais osées (une Rome de « bientôt dans le futur », victime de canicules insoutenables du fait du réchauffement climatique, se vide de ses habitants d’origine, remplacés par des immigrés chinois), et la maîtrise jubilatoire des confessions apparemment décousues d’un « loser lucide », accusé d’un «crime atroce».

La férocité joyeuse de la caricature (les pires travers, réels ou fantasmés, de toutes les Chinatowns du monde assemblées en un seul lieu, et multipliées à l’envi), la subtilité des perceptions de la décadence progressive, qui s’accélère (la citation d’Hemingway qui hante le roman est emblématique : « D’abord petit à petit, puis d’un seul coup »), et enfin la saveur de la machination qui se dévoile lorsque le monologue du narrateur trouve sa cohérence, composent un mélange détonant, dont les derniers mots du livre fournissent peut-être la clé ironique (mais dont la connaissance préalable ne gênera pas votre lecture !) :

« Bon, je crois avoir tout dit. Il ne manquera que la morale de l’histoire. Chaque histoire doit en avoir une. Concernant le crime atroce dont je viens de vous faire le récit, la morale pourrait être la suivante : LISEZ BEAUCOUP DE BIOGRAPHIES. Une seule ne suffit pas. (…) Lisez-en et offrez-en à vos amis, vous ne pourriez pas leur rendre plus grand service. Si elle vous a plu, offrez-leur la mienne, comme ça vous m’en rendez un, à moi aussi. J’ai de quoi manger, certes. Mais pour le reste, la prison n’est pas un pays de Cocagne. Ici, la vie est chère comme partout ailleurs. »

Un amour d'outremonde

Datant de 2002, Un amour d'outremonde, second roman de Tommaso Pincio, nous invite à un tour de force, en décrivant de l'intérieur le parcours halluciné, de l’état de Washington à l’Arizona, d’un schizophrène depuis l’âge de 9 ans, obsédé par les body snatchers, vivant de la lente cession de son stock de jouets futuristes, qu'une drogue (jamais nommée, et appelée « l’arrangement »), découverte à travers un ami nommé Kurt, également paumé (mais guitariste, compositeur et parolier - en route au bout d'un moment vers un succès planétaire) – qui ressemble furieusement à un possible Kurt Cobain – soulagera provisoirement de son mal-être avant de le placer sur un aller simple pour l’enfer…

Comme elle s’amplifiera avec Cinacittà, la « méthode Pincio », sans tendresse pour ses personnages, nous fait partager en souriant (parfois très) jaune leur folie intime, fournissant au passage un redoutable prisme sur le décor social environnant… Hilarant et dur à la fois, rempli ici de références pop culture, grunge et cinéma que l’on se plaira aussi à débusquer au fil des pages.

« Et souvent, plus le médicament est efficace et plus ces contre-indications peuvent représenter un danger. C’est une loi universelle. Qui s’applique même au 1er Amendement : de fait, il n’est pas si rare que d’infortunés citoyens se prennent une balle en plein front parce qu’ils vivent dans un pays libre, ou qu’ils perdent tout parce qu’ils n’ont pas bien su se servir de la liberté de chercher le toujours plus qui leur manquait toujours. »

Ouragan

Avec Ouragan,en 2010, le prix Goncourt 2004 nous a livré une vive polyphonie de 188 pages.

Avant, pendant et après le passage du cyclone Katrina sur La Nouvelle-Orléans, nous sommes emportés par les monologues intérieurs de quelques personnages : une centenaire inaltérable, une bande de détenus abandonnés à leur sort puis libérés par la panne d'électricité qui ouvre leur prison, un révérend qui disjoncte dans le chaos, un employé de plate-forme pétrolière qui pagaie à contre-courant pour retrouver la femme qu'il a abandonnée six ans plus tôt... Par moments, Laurent Gaudé donne aussi l'impression de marcher aux côtés du photographe Stanley Greene au milieu des ruines chaotiques de la ville massacrée.

C'est rythmé, c'est enlevé, c'est un peu magique. C'est aussi dur et sans concessions. Il y a là de la misère, de l'abjection, de la désolation, qui rehaussent les (rares mais belles) étincelles d'espoir. Comme dans le regard final de la centenaire, peut-être :

"Je porterai mes sœurs, moi, Josephine Linc. Steelson, toute négresse que je sois, malgré mes cent ans passés car le ciel s'est ouvert et nous avons fait face à notre propre nudité, je porterai les enfants effrayés, ma voix les rassurera et lorsque je mourrai, libre, sur ma terrasse, toujours négresse, à l'instant que j'aurai choisi, lorsque je mourrai, souvenez-vous de moi et gardez le regard droit."

La fête du siècle

Publiée en 2009, et tout récemment traduite en français, La Fête du siècle est un nouveau coup de maître de Niccolò Ammaniti. Mélange de farce baroque débridée et de satire sociale d'une grande clairvoyance, ce roman fera aussi irrésistiblement penser les connaisseurs aux mécanismes déployés par le Français Jean-Marc Agrati dans nombre de ses nouvelles.

Sans dévoiler de moments-clé de l'intrigue, disons seulement qu'on trouvera là des sectes sataniques rivalisant pour la notoriété dans leur domaine (clin d'œil possible à la mascarade organisée par le collectif Wu Ming à ses débuts, sous le nom de Luther Blissett), des écrivains à succès - dont l'un des deux principaux narrateurs - et le cortège d'admirateurs plus ou moins sincères qui les entourent, un magnat napolitain vraisemblablement camorriste, un parc naturel reconstitué dans un ex-jardin public en plein milieu de Rome, des joueurs de football, des politiciens, des starlettes, une chanteuse de death metal devenue catholique, et un final apocalyptique dans lequel le deus ex machina est lié aux Jeux Olympiques de 1960 à Rome, cinquante ans plus tôt...

On sort hilare et pensif de cette lecture, réalisant à quel point, sans aucun discours politique explicite, Ammaniti nous fait toucher du doigt et du rire l'effondrement social et humain largement réalisé aujourd'hui, en Italie comme ailleurs.

Lavinia

L'art de traiter du "grand" en affectant de parler du "petit", comme souvent chez Le Guin...

Dernier livre en date de la grande Ursula K. Le Guin, publié en 2008 (début 2011 en France), Lavinia compte parmi ces réussites littéraires qui marquent profondément.

Développant avec une grande finesse et quelques partis pris (assez proches au fond de ceux du Baricco de Homère, Iliade - tout cela étant expliqué dans une précieuse postface) le personnage de Lavinia, épouse latine d'Enée selon Virgile, l'auteur reconstruit les origines mythico-historiques de Rome, d'un point de vue féminin bien particulier, lui permettant de souligner avec subtilité le contexte politique, social, religieux et humain de cette "fondation", en insistant notamment, par petites touches, sur les profondes différences entre la construction sociale grecque, et celle, en gestation, de la future Rome.

Tous les ans, au printemps, comme tous les chefs de famille du Latium, mon père parcourait sa maison à minuit avec neuf fèves noires dans la bouche, et quand il les recrachait, il disait : "Ombres, partez !". Et les fantômes qui infestaient la maison mangeaient les fèves avant de retourner sous terre.

(...) Et au crépuscule de l'aube, le lendemain, seule, à genoux dans la boue du Tibre, j'ai vu les grands navires virer pour pénétrer dans le fleuve. J'ai vu mon mari sur la haute proue du premier vaisseau, même si lui ne m'a pas vue. Absorbé dans ses prières et ses rêves, il contemplait le fleuve sombre devant lui. Il ne voyait pas les morts qui bordaient le cours du fleuve à perte de vue, jusqu'à Rome.

(...) Mais à présent la sensation d'être prisonnière avait disparu, en même temps que la honte impuissante. La même certitude qui brillait dans les yeux de mon père m'emplissait moi aussi. Tout se passait comme il se devait et, en me laissant porter par les événements, j'étais libre. Le fil qui me liait au mât avait été tranché. Pour la première fois, j'ai su ce que voulait dire voler, suivre mes ailes à travers les airs, à travers les ans à venir, aller, continuer.

A travers cette figure par moments aussi essentielle qu'une Antigone dans son sens de "ce qui doit être fait", on parcourt aussi bien les phénomènes de "xénophobie instinctive" (et le rôle de l'individu pour lutter contre cela), l'utilisation de la confusion et du mensonge en propagande politique, ou encore la conception ("ultra-moderne") du rôle véritable d'un "chef". Comme souvent chez Le Guin, on est aussi frappé du regard aigu posé sur les phénomènes religieux, durement critiqués, mais toujours respectés.

Enfin, on ne peut que s'émerveiller à nouveau de cet art permettant à l'auteur de toujours traiter de "grands" sujets en affectant de se pencher sur de "petites" et quotidiennes choses... Et de la part d'une dame de 80 ans, s'il vous plaît...

Les soldats de la mer

Ce livre de 1968, dix ans avant La maison du Cygne, consacrait déjà Yves et Ada Rémy, ce couple d'auteurs pourtant toujours trop méconnus dans le paysage littéraire français.

Dans un univers proche du nôtre, mais pourtant dissemblable, la Fédération s'étend peu à peu, au prix de guerres fréquentes. Entre 1800 et 1850 "de notre calendrier", environ, les Soldats de la Mer nous content, en 17 chapitres comme autant de nouvelles (complétés par deux belles histoires "hors cycle"), l'histoire des combattants de cette expansion, de colonels comme de simples recrues, en autant d'anecdotes où se mêlent inextricablement grande histoire, récit de guerre, de garnison et d'avant-poste et confrontation subtile à des phénomènes "inexplicables".

On pensera bien entendu à E.T.A. Hoffmann (d'ailleurs expressément référencé dans l'une des nouvelles "hors cycle" qui complètent ce volume), à Jan Potocki, voire au Leo Perutz du Cavalier Suédois ou même au Michael Moorcock du Chien de guerre. L'équilibre réussi par les auteurs, servis par un style d'une grande finesse, entre conte, récit de guerre "au plus près" et fable fantastique, est exceptionnel, et le dénouement surprenant, avec sa mise en abyme finale, ne gâche rien.

Comme dit lors d'un dialogue entre un bien curieux général et son non moins bizarre aide de camp :
« - Qu’est-ce que vous avez aujourd’hui , mon garçon ? Je ne vous ai jamais connu si agressif.
- Je suis las, général. Trop de batailles. Trop de shakos dans les fossés, trop de talpacks sur les eaux des marais, trop de casques dans les champs, trop de bonnets ensanglantés, et des toques et des casquettes et des képis et des chevaux morts et des équipages ruinés. La guerre est triste.
- La guerre est belle.
- La guerre est triste.
- Silence, mon garçon ! Je suis un petit bonhomme graisseux et probablement assez dégoûtant. Je suis habillé comme un paltoquet et vous qui avez l’élégance d’un épouvantail, n’en manquez certes pas à mes côtés, mais je connais la beauté des bataillons en marche, la grandeur d’un escadron qui charge, l’incomparable, le vertigineux décor de la guerre.
- Je connais aussi les quatre armées qu’elle laisse sur ses champs de bataille, une armée de morts, une armée de pleureuses, une armée de bandits et une armée de pauvres. »

[Un coup de coeur total CHARYBDE]

Killing Kate Knight

Killing Kate Knight (que l’on peut entre nous appeler de son vrai nom, n’en déplaise aux juristes de l’éditeur : Killing Keira Knightley) constitue un défi superbement réussi. J’ai rarement lu, en 500 pages, un tel déchainement stylistique (on connaissait certes les capacités de superbes saillies d’Arkady Knight, l’une des plumes critiques les plus acérées de feu Le Cafard Cosmique), associé à une intrigue vertigineuse (plusieurs fois, on frôle la perte totale de repères, mais non, le rétablissement survient toujours à temps – brio !), et à une réflexion passionnante sur, notamment, le SENS du cinéma dans notre société.

Goûter tout le sel du roman suppose sans doute (mais ce n’est PAS indispensable) une solide culture du cinéma « moderne » (la filmographie de Keira Knightley sera un plus évident !) – et un certain goût pour les « action flicks » (néanmoins très solidement campés ici par la seule magie du verbe !), qui servent de toile de fond au roman proprement dit. Histoire d'enlèvement, de psychose, de combats, d'arnaques, de victimes et d'uniformisation du monde : Killing Kate Knight est tout cela.

Et ce final, ah, ce final ! « Je ne m’en sens pas la force, mais pas à pas, j’entame une lente danse – les lueurs de l’aube qui baignent mon corps nu, les ailes du vent qui soulèvent mes membres endoloris et la neige qui les précède – et je continue de danser, malgré la faim, la soif, la souffrance, pleine de rage et de souvenirs, je danse, luttant pour que l’écho de ma présence ne s’efface pas à son tour de la mémoire de ce monde, je continue de danser pout toutes les K-girls de tous les mondes. »

Pour un premier roman, l’auteur déploie un impressionnant métier. C’est par le jeu matois de ses narrateurs entremêlés et de ses incises obliques qu’il parvient à un double tour de force : discourir beaucoup, au milieu des voix et des monologues intérieurs, sans jamais pontifier – et dégager une authentique tendresse complice, au milieu des mitraillades, des éventrements et des enlèvements.

Et si P.K. Dick était encore parmi nous, il saurait : Keira Knightley EST un Palmer Eldritch bienveillant, même si c’est largement malgré elle. Et d’ailleurs : « N’oublie pas : you are what you read, you are what you watch. »

[ ... et Charybde 1 approuve. ]

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