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Actualités

Jours fériés de mai

Charybde sera fermée jeudi 1er mai.

Elle sera ouverte les jeudi 8 et 29 mai, de 12h à 19h30 (horaires habituels).

 

ATTENTION : Henrietta Rose-Innes ayant dû rentrer en Afrique du Sud pour des raisons familiales, la rencontre de lundi prochain est malheureusement annulée, à notre grande tristesse.

Libraires du mois : Maylis de Kerangal

Gilles CLEMENT, Jardins, paysage et génie naturel

Peter SZENDY, À coups de points : La ponctuation comme expérience

Claude SIMON, Le jardin des plantes

Frédéric CIRIEZ, Mélo

Giorgio VASTA, Le temps matériel

David BOSC, La claire fontaine

Renata ADLER, Hors-bord

 

Les jardins statuaires

«On n'est jamais assez attentif.»

Les Jardins statuaires est un livre à savourer lentement, à relire, pour le plaisir du texte, des symboles et des métaphores. «Les signes pullulent. Il faut que le regard s'abîme

Le narrateur est un voyageur, un étranger au pays des jardins statuaires.

C'est l'austérité, le repli, et une forme de dénuement qui se dégagent de ce pays des l'entame du livre. On imagine un pays presque sans couleurs, à l'instar des dessins de Schuiten, les couleurs de pierre des murailles des domaines, des statues, le bois des rares chariots qui circulent sur les routes austères, les frondaisons et les toits des demeures sombres ou noirs.

On rencontrera la couleur en découvrant ou et comment vivent les femmes au pays des jardins statuaires, avec les arbres fruitiers du jardin des femmes, les voiles colorés qu'elles portent, les fresques, les broderies, les rosiers grimpants.

Le voyageur va explorer le pays des jardins statuaires jusqu'à ses confins et même au-delà, dans les steppes et à la périphérie du pays, au gouffre, dans un voyage onirique.

«Un matin, enfin, je me mis en route vers l'ultime domaine. Il pleuvait depuis trois jours. C'était un matin de brume. La marche était épuisante car je risquais a tout instant de perdre ma route, a peine marquée sur cette terre have. Je devais, pour garder ma direction, me fier a des rocs érodés et nus, qui surgissaient soudain devant moi comme autant de sentinelles oubliées, austères dans leur mutisme.»

Le voyageur, le guide, l'hôtelier, les doyens, la cavalière, le conquérant, la fillette, le gardien, les personnages sans nom, à l'exception de Vanina, la femme aimée, ajoutent à l'étrangeté de ce récit envoûtant, qui se déroule dans une époque et dans un lieu indéfini.

Le printemps du guerrier

Un étudiant en littérature anglaise originaire du Piémont, surnommé Johnny, est mobilisé en 1943 et suit l’instruction des élèves officiers à Moana, à mi-chemin entre Turin et Rome, avant d’être affecté avec son bataillon à Rome, au milieu de cette année cruciale, 1943.

Au sein d’une armée royale italienne sinistre et misérable, au bout du rouleau, alors que l’issue de la guerre ne fait d’ores et déjà plus aucun doute pour les soldats, l’instruction, menée par des sous-officiers bornés, est bestiale, insupportable, tout autant qu’inutile.

«Il fallait marcher encadré et chanter à gorge déployée derrière un commandant déséquilibré, entouré de subalternes serviles et idiots

Le titre original du roman, «Primavera di Bellezza», fragment de l’hymne fasciste Giovinezza (Jeunesse), dénonce déjà l’absurdité de cette guerre, le gâchis humain, en même temps que l’hypocrisie de la propagande fasciste. Beppe Fenoglio (1922-1963), lui-même engagé dans la résistance contre les fascistes en 1944, nous dépeint ici cette armée italienne en guenilles, bien loin de l’image glorieuse des militaires de 1940, troupe sous-alimentée, souffrant de dysenterie, une armée en débandade dans laquelle tous sont antifascistes à de rares exceptions, prenant les fascistes pour des bouffons sadiques ou pour des criminels.

«Sur le terrain de sport, et presque uniquement là, se manifestait le chef du bataillon d’instruction, le commandant Di Leva signor Augusto. Cigarette au coin de la bouche, badine à la main pour frotter ou fouetter ses bottes jaunes, malingre mais électrique, des yeux saillants dans une petite figure vicieuse, sur sa poitrine gris-vert le rouge distinctif, impudemment incongru, de l’ordre du Saint-Sépulcre.»

«Le printemps du guerrier», une des rares œuvres publiées du vivant de l’auteur, en 1959, est, on l’aura compris, un réquisitoire violent contre le fascisme et la guerre, avec comme un lointain écho du roman de Dalton Trumbo. Émaillé de descriptions somptueuses et romantiques de la nature, du désœuvrement et du questionnement existentiel de Johnny, qui tente d’échapper à son sort malheureux en fumant et en regardant au loin, c’est surtout une galerie de portraits phénoménale, un grand roman dans lequel les assemblages de mots viennent surprendre le lecteur au détour de chaque page, caisse de résonance de cette absurdité.

On comprend donc les mots d’Italo Calvino : «Ce fut le plus solitaire de tous qui réussit à écrire le roman dont nous avions tous rêvé».

«Johnny reçut sur la joue une goutte énorme, colossale, absurde. Le soleil brillait encore mais avec des rayons sulfureux, pourris, et dans cet éventail la pluie subite édifia une diagonale palissadique. Un murmure d’incrédulité et d’appréhension monta de la terre vers le ciel et des centaines de corps frémirent sur l’herbe. Johnny vit le commandant se contorsionner, hésiter entre plusieurs solutions car le ciel était vertigineusement changeant. De larges gouttes s’écrasaient sur la saharienne de Girardi en y faisant des taches démesurées. C’était le plus violent et le plus traître orage d’été que les garçons aient jamais vu, les gouttes géantes atterrissaient sur la peau et sur l’étoffe comme des crapauds sautant à pieds joints. Il y eut un piétinement général, le ciel était devenu violet, le fleuve de zinc, jusqu’au disque du soleil qui paraissait poisseux et sur la terre le commandant Borgna, plus noir que toute cette noirceur, gesticulait et blasphémait comme un fou. Des centaines d’hommes étaient en déroute, en direction des fermes, loin de la campagne nue, terrifiante.»

N'appelle pas à la maison

N'appelle pas à la maison, Sakespeare se pique dans une pissotière de Barcelone.
 
Bruno, Raquel et Cristian ont monté une arnaque. Bruno et Raquel sont amants, Raquel et Cristian, frère et soeur. Ou le contraire. De ce trio naît la trahison, pour le fric, pour le cul, par vengeance.
Max et Mersche sont amants. Lui a divorcé, pas elle. De ce duo, naît la trahison, pour l'amour, pour l'avenir, par vengeance.
 
C'est un plaisir pervers de retrouver le Barcelone de Soudain trop tard. Le Barcelone des bars pourris, du béton, des drames terribles en arrière-plan. Et ces personnages vidés d'eux-mêmes, creux, écartelés entre une époque sans rêve et des destins tragiques. Après tout, que reste-t-il sur scène quand il n'y a plus d'honneur, d'héroïsme ou d'idéal ? L'amour non partagé, les trajectoires brisées, la came et le sexe sans capote.
 
Une fois un type avait appris que son fils avait eu un accident de moto. Bruno ne se souvenait plus par quel moyen, mais les autres joueurs l'avaient convaincu de continuer à jouer malgré tout, et de faire confiance aux médecins. C'était, d'une certaine façon, comme s'il jouait la vie du gosse. Le type avait fini par sortir pour téléphoner. Il était revenu avec une mine de déterré : de mauvaises, de très mauvaises nouvelles. Désormais, il n'avait plus rien à perdre du tout.
 
Chez Carlos Zanon, les femmes sont des sorcières malades, les hommes des coquilles vides. L'amour était au centre de tout, dans cette histoire, et personne ne l'a reconnu. Chacun s'acharne à chercher des portes de sortie qui n'existent pas, à se construire un avenir sur le malheur des autres. Symptôme d'une époque de merde.
 
N'appelle pas à la maison c'est ta dose de désespoir. De la bonne et non coupée. Attention à la redescente.