Connexion

Actualités

Block Party - Un roman à dix étages

Entre art contemporain et drogues, deux histoires d'amour déjantées dans une HLM anglaise décatie. Horriblement réjouissant et très réussi.

Pour le deuxième roman du jeune Richard Milward, publié en 2009, et traduit en français en 2013 par Audrey Coussy chez Asphalte, imaginez un instant le HLM du chanteur Renaud, vieillisez-le de trente ans pour qu'il se déglingue suffisamment, transportez-le dans le Nord post-industriel de l'Angelterre, à Middlesbrough, la ville natale de l'écrivain (quelques cent kilomètres avant d'arriver à Newcastle), déployez-y un bel assortiment de ces habitants de la classe populaire anglaise, dévastés par le chômage, vivants de petits boulots précaires et d'allocations chiches (les Irlandais de la trilogie de Barrytown de Roddy Doyle, voire leur mise à l'écran par Stephen Frears ou Alan Parker ne sont pas si loin...), laissez par exemple un Irvine Welsh (dont le Trainspotting est de l'aveu de Richard Milward le livre qui lui a donné envie d'écrire) déverser généreusement quelques bons kilogrammes d'amphétamines, de kétamine, de cocaïne, de haschisch et d'ecstasy à presque tous les étages de l'immeuble. Organisez un télescopage frontal de ces prémisses avec un documentaire psychédélique sur les bonbons Haribo et avec une peinture au pistolet et au couteau des milieux londoniens de l'art contemporain, et vous obtenez, en dépit ou à cause de cette improbable et réjouissante mixture, deux des plus belles, des plus "graphiques" et des plus paradoxales histoires d'amour que j'aie pu lire ces dernières années. Une très belle réussite, qui donne envie de découvrir rapidement aussi son premier roman, Pommes.

Le monde du travail n'est fait que de déceptions. Elle ne peut s'empêcher de penser que Monsieur Fletcher a vraiment accusé le coup quand il a perdu son job au centre de tri - c'était un travailleur sérieux, il n'avait jamais posé un seul arrêt maladie en onze ans de service, et il aimait inventer des histoires magiques sur les gens dont les noms figuraient sur les enveloppes qu'il triait. Lorsque monsieur Fletcher était à la poste, il était aussi heureux et radieux que l'étalon qu'elle avait rencontré vingt ans auparavant, au pub George, à Normanby, mais le nombre de licenciements avait augmenté au fur et à mesure de l'automatisation du tri, et monsieur Fletcher avait été un des premiers à partir en septembre. Ils avaient dû quitter leur jolie maison jumelée pour quelque chose de plus petit à Peach House, et son mari se sent responsable et méprise par conséquent les machines et la technologie. Il ne fait même plus chauffer la bouilloire. Il fait des cauchemars qui se déroulent dans un monde à la Terminator, où tous les robots, les ordinateurs et autres boîtes de conserve ont déclaré la guerre à l'humanité, et tous les luddites sont obligés d'aller se cacher dans une sorte de Club Med clandestin, à attendre que la mort arrive ou que les batteries se vident.

 

Mars en Charybde : arrivée du printemps et de la vente à distance

Le mois de mars, après une brève pause technique et vacancière, voit reprendre les événements à notre rythme désormais habituel :

- le mercredi 13 mars, Charybde se déplace avec quelques livres, en soutien des éditrices inspirées d'Asphalte, aux Pieds sous la table, redoutable bar parisien (130 rue Saint-Maur 75011), pour rencontrer Richard MILWARD, dont l'horriblement délicieux Block Party - Un roman à dix étages vient de paraître. Rejoignez-nous pour cette soirée troquet qui ne sera pas aussi frileuse que le nord de l'Angleterre dont vient l'auteur !

- le mercredi 20 mars, la Salle 101, l'inénarrable émission culturelle SF de Fréquence Paris Plurielle, avec la famille Abdaloff au grand complet, viendra enregistrer "live" chez Charybde, et interviewer sur place Sébastien DOUBINSKY, auteur franco-américano-danois aussi puissant qu'indéfinissable, que Charybde et Scylla suivent depuis longtemps.

- le vendredi 22 mars, rencontre croisée avec Sébastien DOUBINSKY, Frédéric JACCAUD (dont le deuxième roman La nuit sera sorti la veille) et Patrick IMBERT, dont vous devez découvrir, si ce n'est déjà fait, les étranges albums photographiques du "tourisme de la catastrophe".

- le jeudi 28 mars, notre traditionnel libraire invité mensuel sera ANTIDATA, éditeurs de choc, dont vous savez si vous suivez Charybde à quel point nous apprécions leur travail. Leur sélection de 8 livres parmi leurs préférés est attendue avec impatience.

Hors événements et rencontres, une nouvelle d'importance : la vente à distance est désormais activée sur le site internet de Charybde, vous permettant ainsi, même lorsque votre emploi du temps est un peu trop serré pour passer à la librairie, d'avoir accès en permanence à notre stock d'occasions, et à tous nos livres neufs (ceci au fur et à mesure de la vérification du poids de chaque livre pour expédition, vérification dont plus de la moitié est déjà achevée). Nous attendons donc vos commandes avec joie, ainsi que vos observations éventuelles concernant soit les petits bugs qui peuvent d'ordinaire accompagner la mise en route d'un tel service, soit vos idées d'améliorations.

À bientôt chez Charybde et désormais sur le site également !

La sauvage

C'est pareil en taule ou à l'asile : notoriété égale respect. Genre, si t'as été dans un foyer avec un vrai psychopathe et qu'il dit que t'étais cool ? Alors tu seras un peu plus en sécurité dans le prochain. Si c'est un vrai barge qui s'est porté garant pour toi, on te fera encore moins chier. J'ai pas de souci à me faire pour ce genre de truc. C'est moi la vraie barge.

Anais Hendricks, 15 ans. Accusée d'avoir mis une policière dans le coma, elle est placée au centre pour adolescents difficiles Panopticon, en attendant la fin de l'enquête. Deux fois orpheline, elle connaît déjà le glauque sur le bout des doigts : dégradations volontaires, baston, défonce, viol, pédophilie, prostitution... Mais tout ça n'est rien par rapport à l'Expérience.

Car Anais a un rapport très particulier à la réalité. Peut-être psychotique, très probablement cramée par toutes les substances qu'elle s'est enfilée depuis son enfance, Anais est persuadée qu'elle n'est pas une fille ordinaire. Qu'elle est née d'une boîte de Petri, et qu'elle est observée en permanence par eux. Eux, les gens de l'Expérience, qui la mettent dans des situations intenables et lui pourrissent la vie.

Si cette conviction peut aider à tenir dans l'ambiance délétère du centre où les ados fuguent, tapinent, se droguent, ou brutalisent ce qui passe à portée de main, sous le regard indifférent ou blasé des éducateurs, elle lui apporte aussi son lot de cauchemars. Car l'Expérience est toujours pire.

Au-delà d'une magnifique tranche de vie bousillée dès le départ, des petites joies et des peines de ces gamins foutus que la société ne veut pas récupérer, Jenni Fagan joue avec l'angle mort de la réalité ou de la vérité. On ne saura jamais si le réel dérape ou si Anais perd les pédales. On voudrait la croire quand elle clame son innocence mais on doute, tout le temps (contrairement aux adultes qui l'entourent, convaincus qu'elle est coupable).

Dans un réel déformé, où la folie affleure, Anais trouve néanmoins une incroyable énergie à vivre, à s'inventer des vies, des rêves. Une énergie brutale et un rien désespérée, mais communicative. 

Eric traînasse, il s'assure que la menue monnaie est bien sous clé, il repose un crayon dans le pot à crayons de Joan.
- Je saigne comme une putain d'hémophile, là.
- Tu sais épeler ce mot ? rétorque-t-il.
- Et toi tu sais épeler connard ?
- Sois pas grossière, Anais.
Il prend un trousseau de clés et marche devant moi. Arrivé devant la réserve il enfonce une clé mais il arrive pas à la tourner tout de suite.
- Quel genre de produit hygiénique tu veux ?
- Le genre qu'on se fout dans la chatte pour arrêter la sang ?
Il s'écarte de la porte, les joues en feu. Sérieux, ce connard est complètement attardé. Il a jamais dû aller chercher des Tampax pour les nanas ?
- Choisis-en un toi-même alors.
- Je suis pas en train de choisir une bague en diamant, Eric. On en choisit pas UN, on a besoin d'une putain de boîte entière.
- Tu as un problème de comportement, Anais.
- Sans blague, Sherlock.

Rue Katalin

Bien des années après, les événements de la rue Katalin, à Budapest en 1942, s'imposent aux protagonistes...

Magda Szabo, décédée en 2007, est certainement l'une des plus célèbres et plus traduites écrivaines hongroises.

À son très beau La porte de 1987 (Fémina étranger en 2003 en français), je préfère pourtant le plus ancien Rue Katalin (1969, traduit en français en 1974), dont l'utilisation subtile de touches fantastiques indécises (comme si le film Les autres d'Amenabar avait été beaucoup plus fin encore...) sert un véritable moteur narratif.

De très longues années après une série d'événements anodins ou tragiques ayant eu lieu rue Katalin à Budapest durant la seconde guerre mondiale, les protagonistes, maintenant âgés, ayant quitté le quartier de leur jeunesse, se souviennent... Y compris de celle trop tôt disparue, leur camarade juive de jeux d'enfants et d'adolescents, dont la famille fut emportée par la tourmente, sans que le rôle des autres enfants ne soit totalement clair... Organisée en une recension de moments-clé et de flashbacks qui éclairent ou au contraire assombrissent par moments toute tentative d'élucidation de ce passé, la narration progresse pourtant, convainquant progressivement le lecteur de l'extrême vulnérabilité de la mémoire, de sa malléabilité et de sa possible "réduction à l'essentiel", dans une quête qui, curieusement et malgré des registres fondamentalement différents, n'est pas étrangère à celle d'un Claude Simon dans La route des Flandres, ni même à celle d'un Rodrigo Fresan dans La vitesse des choses.

Un grand roman, envoûtant et mystérieux.

Ainsi, les premières phrases donnent le ton :

Vieillir, cela ne se passe pas comme dans les livres, ce n'est pas plus ce que décrit la science médicale.
Aucune oeuvre littéraire, aucun médecin n'avait préparé les habitants de la rue Katalin à l'éclairage impitoyable que l'âge apporterait dans l'obscure galerie qu'ils avaient parcourue presque inconsciemment pendant les premières décennies de leur vie ; ni à ce qu'il mette de l'ordre dans leurs souvenirs et leurs craintes, modifie leur jugement et leur échelle de valeurs. Ils savaient qu'ils devaient s'attendre à certains changements biologiques, que leur corps avait entrepris un travail de démolition qu'il poursuivrait aussi minutieusement qu'il s'était construit, depuis l'instant de leur conception, en vue du chemin à accomplir. Ils avaient accepté de voir leur physique se transformer, leurs sens s'affaiblir, leurs goûts, leurs habitudes et même leurs besoins s'adapter à ces changements ; de devenir gourmands ou de perdre l'appétit, d'être craintifs, voire susceptibles. Ils s'étaient résignés à avoir du mal à dormir et à digérer, fonctions dont la régularité leur semblait jadis aussi naturelle que la vie même. Mais nul ne leur avait dit que perdre la jeunesse est effrayant, non par ce qu'on y perd, mais par ce que cela nous apporte. Et il ne s'agit pas de sagesse, de sérénité, de lucidité ou de paix, mais de la conscience de ce que tout se décompose.
Ils s'étaient soudain rendu compte que le temps avait désagrégé leur passé, alors que durant leur enfance et leurs années de jeunesse, ils l'avaient considéré comme un ensemble compact et bien cimenté. Tout s'était dissocié, rien ne manquait de ce qui leur était arrivé jusqu'à ce jour, et pourtant ce n'était plus la même chose. L'espace avait été divisé en lieux, le temps en moments, les événements en épisodes et les habitants de la rue Katalin comprirent enfin que de tout ce qui avait constitué leur vie, seuls quelques lieux, quelques moments, quelques épisodes comptaient vraiment, le reste ne servait qu'à combler les vides de leur fragile existence, comme les copeaux dans une caisse préparée pour un long voyage empêchent le contenu de se briser.
Alors ils surent aussi que la différence entre les vivants et les morts n'était que qualitative, qu'elle ne comptait pas beaucoup, ils surent que dans la vie de chacun il n'y a qu'un seul être dont il puisse crier le nom à l'heure de la mort.

 

Le son de ma voix

Caméra subjective dans les yeux et le cerveau d'un alcoolique. Très drôle, très poignant. Magistral.

Publié en 1987 (en 2004 en français par l'infatigable découvreur Quidam Éditeur), ce roman permet à Irvine Welsh d'écrire, dans sa préface à l'édition de 2002 : "Si vous demandez à n'importe quel étudiant en littérature celtique de citer une oeuvre de fiction classique, écrite en Écosse au cours de ces vingt dernières années, la liste est plutôt prévisible. Et cela ne fait pas un pli : Penser à respirer de Janice Galloway, Docherty de William McIlvanney, Le poinçonneur Hines de James Kelman, Lanark de Alasdair Gray et Le seigneur des guêpes de Iain Banks figureraient tous en bonne place. Mais il y a un livre que peu de gens mentionneront, c'est un roman écrit par un poète écossais, Ron Butlin, et intitulé Le son de ma voix."

Irvine Welsh a raison. Et si l'expression "classique instantané" est certainement l'une des plus terriblement galvaudées dans les commentaires critiques aujourd'hui, elle conserve parfois, rarement, un sens, et c'est le cas ici.

Une voix tutoie Morris Magellan, paisible cadre d'une biscuiterie, tout au long de la journée. Celle de son double infernal, l'alcoolique profond qui est aux commandes de sa vie. Ainsi, au fil d'un quotidien miné, rapiécé, tentant vaguement de faire illusion au travail (à la maison, il y a longtemps que ce n'est plus possible, sauf peut-être, un peu, dans une tentative désespérée pour épargner les enfants), s'expriment, avec une certaine gentillesse et un indéniable auto-aveuglement, la subjectivité altérée du buveur, la manière toute personnelle dont il lit et interprète les réactions (ce qu'il en voit ou veut voir) de ses entourages, l'accumulation de rituels conjuratoires ne disant pas leur nom, entraînant la désolation fascinée du lecteur qui constate ou devine l'étendue de l'écart de perception, étalé ainsi sous ses yeux.

Roman magnifique, roman éclatant, roman troublant, roman qui allie à chaque page intense drôlerie et noirceur d'abîme. Du très grand art, en effet.

Katherine n'était pas encore arrivée avec le courrier Majestic et l'agenda, donc il y avait encore du temps pour jeter une rapide coup d'œil à ton bureau, à ton piège à boue du troisième étage. Du temps pour une vérification de dernière minute, voir que tout était en place : les dossiers dans leur ordre exact, les stylos prêts, les crayons taillés, le calendrier à la bonne date.
De l'autre côté du parking, sur le quai de chargement, les hommes travaillaient depuis huit heures du matin, transportant de grandes caisses sur des chariots pour remplir les camions. Ils avaient commencé alors que tu prenais encore ton petit déjeuner, et ils y seraient encore pour longtemps après que tu sois reparti chez toi. Tu gagnes cinq fois plus qu'eux, primes non comprises. Personne ne t'engueulerait ou ne diminuerait ta paie si tu arrivais une heure en retard ou choisissais de partir une heure plus tôt. Cela te met mal à l'aise de penser à eux - et pourtant ce matin, comme chaque matin, tu as consacré quelques instants debout devant cette fenêtre à te sentir mal à l'aise. Tu comprends bien sûr que, dans le même temps, quelqu'un quelque part a sans doute passé un coup de fil et gagné dix fois TON salaire - mais tu n'arrives jamais à savoir si cette réflexion fait que tu te sentes mieux ou plus mal.

 

Libraire du mois - Léo Henry (Février 2013)

Giacomo CASANOVA, Histoire de ma fuite des prisons de la république de Venise

Gustave FLAUBERT, La légende de Saint-Julien l'Hospitalier

Blaise CENDRARS, Partir

Boris VIAN, Vercoquin et le plancton

Alexandre VIALATTE, Bestiaire

Claude ROY, Le voleur de poèmes : Chine

Céline MINARD, Le dernier monde

Schasslamitt

"Sergent-chef ?

- Oui Sergent-major ?

- C'est vous les traits au-dessus de la bouche ?

- Affirmatif.

- Qu'est-ce qui vous a pris ?

- C'est une vieille dame, sergent-major.

- Et alors ?

- Ben je me suis dit... elle a des rides, quoi, sergent-major." (Plume-toi d'là)

Une très belle petite chose, que ce Schasslamitt. Un recueil de textes très courts, entre la nouvelle et le conte, qui rappellent l'heure de l'histoire, le soir avant de s'endormir. Mais en grand. En adulte. De sorte qu'on voudrait les lire à voix haute, pour un amant, une amie, un cercle de proches, ou à voix basse, juste pour soi-même.

Bérengère Cournut nous livre dix-sept pépites sur une superbe palette de nuances, qui vont du tendre au tragique, de l'humour à l'émotion. Et une poésie permanente, qui bouscule toute logique pour le plaisir des images et de la surprise.

"Poussée d'un temps qu'on ne s'explique plus, l'assaut du général russe sur la belle-sœur du duc, joues embroussaillées, souffle rauque et haletant, a semé la surprise et la joie au dîner du 7 novembre dernier." (La chute de Nadine)

Albertine subit donc une gestation-cocon, Gaston le hanneton se souvient de ses anciennes incarnations, Léocadie court à travers le monde, Elizabeth se change en oiseau... Et ça bricole des doigts frais, et ça pleure à la mort de Tchékov, et ça égorge le chien sur la table du dîner...

Absurdes ou poétiques, drôles ou cruelles, les histoires sont de celles qui font se tortiller le lecteur au fond d'un fauteuil.

"Antoine se souvient alors qu'il n'a qu'une seule femme, qui est loin, qui est vieille - comme lui - et qui l'appelle. Sa femme qui, sur son île d'Encantadas, est une masse antique et colossale, un monument de pierre qui se tient à genoux, le cœur ouvert sur la mer." (Antoine)

Illustré par Donatien Mary, le livre est en sus un très chouette objet, où les ambiances résonnent en noir et mauve.

Un recueil adorable et bizarre, donc. Ou bizarre et adorable.

Les fleurs du karma

Laïka Orbit n'est pas une joueuse de runaway. Elle a eu un nom, un jour,  mais elle l'a perdu, comme la plupart de ses souvenirs. Dans une Amérique étrange et linéaire, thunée sur radio Karma et son Little big Ohm, Laïka Orbit court après son autre nom, et une autre réalité.

Kinky Baboosian est une enfant-fleur du Summer of love. Paumée, défoncée, libre. Affublée d'un petit bouddha boudeur, son fils sans nom et réprobateur, elle se consacre au sexe et au LSD. Surtout au sexe. Ou surtout au LSD.

Entre ces deux femmes en résonance, un mathématicien obsessionnel et génial. Ou juste fou. Moitié schizophrène, moitié sociopathe, moitié Asperger... et moitié mythomane pour faire bonne mesure ?

Les fleurs du Karma évoquent l'Amérique de la fin des années 60, l'espoir naïf et défoncé des enfants-fleurs, la spirale organisée vers les drogues dures et la violence, la fin de l'été. Entre Philip K. Dick et Tom Wolfe, Ubik et Acid Test, Tommaso Pincio écartèle ses personnages, dont on ne sait jamais trop s'ils fuient ou se cherchent, ce qu'ils fuient ou ce qu'ils cherchent.

Tommaso Pincio nous livre un récit magnifiquement dickien, jouant avec des réalités qui se chevauchent et résonnent, en un récit en trompe l'oeil, comme cet anneau qui tourne autour de lui-même, face A, face B. Et recréant surtout cette atmosphère particulière propre à Dick : un mélange presque kitsch de poussière et plastique, drogues et psychopathologies. Un très bel hommage et un superbe roman. Tout court.

  1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80